Cet ouvrage est une réédition numérique d'un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d'origine.
Bientôt à la mi-temps de sa vie, une femme se penche sur son passé, pour dresser le « bilan de son existence », où elle ne voit d'abord qu'une suite d'échecs. Déçue par des aventures sans lendemain, Aude avait pourtant cru trouver en Stevan le compagnon idéal qui mettrait fin à cette errance des sentiments. Mais, peu à peu, la narratrice découvre que Stevan, à travers elle, ne recherche que le souvenir d'une autre maîtresse, morte pendant la guerre et par sa faute peut-être, dans de tragiques circonstances. Claude, jeune femme fantasque, aurait pu être aussi l'amour pur dont Aude rêvait. Après un printemps idyllique vécu à deux, Claude finira par s'éloigner à son tour, attirée vers un homme, mieux fait pour la rendre heureuse. Après ce second « échec », Aude sera bien près du suicide, mais il suffira du hasard, d'une rencontre imprévue, pour lui rendre son équilibre. En femme libre, elle décide alors d'avoir un enfant, un enfant sans père, fruit d'une union sans illusions. Ainsi son existence n'aura-t-elle pas été vaine. Aude transmettra le flambeau : ce sera la petite Anne, plus tard, qui devra « découvrir à la nuit un sens », à ses jours une raison, au bonheur un visage. Livre grave, livre pudique en dépit de certaines audaces de la pensée, livre dur et franc dans son réalisme dépourvu de concessions à la sentimentalité, le Jeu d'échecs n'en est pas moins, à sa façon, poignante et discrète, le chant d'espoir en sourdine d'un coeur blessé. Il témoigne d'une expérience, qui est une leçon de vie dans le courage de la lucidité.
Conjuguant le récit et l'essai, le gai savoir et l'analyse, peu à peu se dessine La figure du dehors, née de la philosophie européenne et de la pensée asiatique, du monde celte et de la poésie américaine. C'est un itinéraire singulier, un cheminement intérieur auquel nous convie Kenneth White, dont le parcours est jalonné par les rencontres déterminantes de Rimbaud et d'Ezra Pound, de Bashô et de Scot Erigène, de Segalen et de Thoreau - parcours d'un nomade de l'espace et du temps. L'oeuvre de Kenneth White, dont on a dit qu'elle était la première expression cohérente de la post-modernité, ouvre une perspective originale dans laquelle de plus en plus nombreux sont ceux qui se placent. La figure du dehors est le livre clé de Kenneth White, celui qui éclaire son oeuvre passée (dont Les limbes incandescents, Lettres de Gourgounel, Le visage du vent d'est, Le grand rivage...) et prépare le terrain de ses créations à venir.
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A Francfort, une nuit d'octobre, la traductrice Claudia Wolf surprend l'écrivain Claude Galien en train de s'enivrer, et l'idée lui vient d'apporter un peu d'ordre dans cette vie dissolue. Pendant ce temps, à Lille, Stéphane, jeune artisan, rentrant chez lui, se heurte au cadavre de sa mère, et le cri qu'il pousse alerte une prostituée qui se rue sur les lieux du crime. A Paris, Antoine Fabri, qui se rend à la gare du Nord pour accueillir sa maîtresse, rencontre dans le métro un prince africain en exil et une réfugiée chilienne. Ainsi, pendant vingt-quatre heures, des personnages qui n'avaient en apparence rien de commun voient (ou ne voient pas) les fils de leurs destins s'entre-nouer. Et au cours des quatre journées qui composent le roman d'Hubert Nyssen, ces rois borgnes - mais des reines aussi - comme on en trouve dans les salons, les rédactions, dans les trains, sur les places, en marge ou dans l'ombre, règnent sur les aveugles de leurs petits territoires. Le plus singulier d'entre eux, véritable faire-valoir de tous les autres, c'est Dieudonné, un échappé du cirque de la fiction, haut comme trois pommes, tour à tour persécuté et persécuteur, tendre et méchant, sensuel et religieux, roitelet indiscret et fantasque qui mène le bal. Ce roman, construit avec une passion d'horloger, composé dans la profusion, mené tambour battant, nous conduit, épisode par épisode, à découvrir la trame de vassalité dans ce royaume où les borgnes sont rois : le nôtre.
Eugénie Lapessé est une femme d'apparence simple, une femme du peuple, une mère affrontée à l'angoisse et qui cherche la paix. Sa vie nous est racontée en trois nuits, plus quelques autres veillées ou crépuscules. Eugénie nous apparaît d'abord fugacement par les yeux de sa mère Amélie, puis plus longuement, au cours d'une nuit d'hôpital telle qu'elle se revoit, enfant, jeune fille, femme, dans ses rapports avec ses frères et soeurs, ses patrons, son mari. Les méditations de son fils, Thomas Lapessé, dont Jean-Marie Paupert nous avait peint dans un roman précédent la vie haletante et déchirée, la présentent enfin à travers les rêves d'un enfant qui se souvient de sa mère, de ses peurs, de ses angoisses, de ses malheurs. C'est tout un monde disparu qui nous est ainsi rendu. Un petit monde de pauvres gens et de gens pauvres de la fin du XIXe siècle et de la première moitié du XXe, enfoncés dans la vieille chrétienté et en proie au péché comme au souci du pain. On y rencontre les obsessions du sexe mauvais, du sang pourri, de la vie impossible. A travers les petits faits de la vie quotidienne perce la grande inquiétude de la vie. Et, bien que rien ne nous soit conté ici que la vie simple d'une femme simple, en elle transparaît toute l'angoisse de l'existence. Écrit dans un style maîtrisé, coulant d'un seul flot, charriant à l'occasion un savoureux parler populaire, ce livre grave et réaliste est aussi un roman pittoresque et singulièrement prenant.
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"Les orgues de Saint Sauveur" est la première des 9 nouvelles rassemblées dans cet ouvrage publié en 1966 par Jean Mistler.
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Les personnages de ce roman sont des jeunes gens - garçons et filles d'aujourd'hui entre seize et vingt-six ans - issus de milieux populaires. Nous découvrons les faits et gestes, les pensées, les désirs, les dégoûts, les espoirs et le désespoir de tout ce petit monde : Olivier, 17 ans, jeune chômeur (il a été manutentionnaire quelque temps) ; Catherine, 22 ans, caissière dans un supermarché, elle est mère célibataire (et les pages sur son petit Christophe traduisent merveilleusement l'amour maternel) ; Patrick, 26 ans, qui a participé à Mai 68 mais ne croit plus à la révolution. Il travaille comme contrôleur dans un aéroport. Il est heureux en amour avec Marie, qui s'occupe d'une école maternelle. Philippe est un jeune ouvrier imprimeur, il vit, sans être marié, avec une gamine, Martine, qui finit ses études (et se découvre enceinte). Enfin, il y a Michel, jeune gigolo pour messieurs. Les lieux où se déroule l'action, en banlieue, sont très importants : cafés, supermarchés, bus, cantines, gares, postes de police. En arrière-plan il est question d'un détournement d'avion et d'une occupation d'usine. Le pirate de l'air sera abattu, et les ouvriers grévistes seront expulsés par la police. C'est très rare de lire un livre qui joigne, à des qualités littéraires de premier ordre, un intérêt de témoignage sur le monde actuel - sur des milieux dont, au surplus, la littérature ne parle guère.
Dilettante familier des célébrités littéraires dans les années 50, bon poète mais mauvais homme d'affaires, Jérôme s'est retiré dans son mas de la Crau, fortune défaite. La cinquantaine venue, il y vit avec Berthe son épouse, qui pourrait être sa fille, et les deux jeunes enfants qu'elle lui a donnés. Son existence a la paisible allure d'une retraite, partagée entre le farniente, la fréquentation du bistrot local, et la contemplation du troupeau de vaches exotiques et cornues qu'il tente d'acclimater au pied des Alpilles. En philosophe, Jérôme se satisfait d'être le vieux hippie du village, qui tire sa flemme avec l'astuce inépuisable des grands paresseux. Lorsque, soudain, l'occasion s'en présente, se donnera-t-il la fatigue d'être jaloux, puis celle d'être amoureux ? On ne sait jamais les surprises que la nature réserve aux plus sages, quand l'été s'en mêle, et l'herbe tendre, et quelque démon méridional... Très insolite dans son audace désinvolte, son érotisme sans péché, Françoise des Ligneris reprend la parole avec un talent tout neuf. À l'écoute de notre temps, la romancière de Fort Frédérick sait dire, à sa manière, sur le ton de l'ironie et de la tendresse, un certain goût d'être en marge, le sel du vrai bonheur, l'art de l'éphémère et le plaisir subtil, trop méconnu, des renoncements volontaires. Voici un livre qui ne ressemble à aucun autre et qui, plus que d'autres, peut-être, ressemble au rêve idyllique de notre époque.
Dans l'arrière-pays de Saint-Tropez, au mois d'août, Matthieu Cauvin, journaliste ainsi qu'écriveron, vient passer quelques jours chez un paysan de ses amis, en partie pour se reposer parmi les vignes, en partie pour participer à une Semaine littéraire, qui doit se tenir dans un centre culturel du voisinage. Au hasard des collines, il rencontre Gertrude Belt, une jeune Irlandaise à laquelle il s'attache bientôt. Pour finir, il renonce à se rendre à la rencontre littéraire : est-ce par paresse, par timidité, par ennui, par amour pour la jolie Gertie ? Peut-être. En tout cas, ce n'est pas sans regrets.
Les Églantiers... Un vieux petit quartier de banlieue comme tant d'autres où, dans les jardinets, on repique ses poireaux en attendant l'heure du pastis. Un coin sans histoires, en somme... Des histoires à raconter, il y en a pourtant trop pour Jean Doineau, l'écrivain sans passé ni futur, enfermé dans sa caverne à flanc de coteau. Et puis, que cherche donc le candidat Durban, éternel étudiant qui furète partout pour amasser du matériel en vue d'une hypothétique thèse de doctorat ? Et quelle action exemplaire voudrait donc mener l'ex-cinéaste engagé Dallencourt ? Et pourquoi dit-on qu'il y a un monstre enfermé dans la clinique où s'affairent médecins et psychiatres ? Et pourquoi un responsable politique de haut niveau ressort-il dans le plus grand secret un dossier que l'on croyait clos ? À travers la transformation violente des Églantiers, promus Zone d'Aménagement Concerté, c'est la grande déglingue d'un monde quotidien réduit à n'être plus qu'une informe mosaïque de ZAC, ZUP et autres ZAD, que raconte le roman de Pierre Christin. Un roman où les langages s'affrontent, où les lectures se superposent, où les vies se croisent avec passion. Un roman à suspense aussi et surtout car, sous l'humour et le mystère, le drame se prépare, énorme, stupide, définitif. À moins que tout rebondisse de façon aussi tardive qu'inattendue...
Dans une bibliothèque de quartier, un jeune homme de quatorze ans prend, par hasard, un livre sur Louis XVII. C'est un coup de théâtre : sa vie change du tout au tout. La rencontre avec l'auteur du livre - une baronne balzacienne -, la découverte du petit monde parisien qui s'agite autour de Louis XVII, et de ses multiples décès et résurrections, vont faire de Jérôme Hesse un véritable Phileas Fogg en herbe. Accumulant les paris les plus insensés, les gagnant in extremis, poussé par une radieuse inconscience, le jeune homme réalise d'inimaginables exploits : après s'être baptisé président fondateur du Club des amis de Naundorff - Louis XVII, il se fait inviter aux Dossiers de l'écran, alors qu'il n'a même pas dix-sept ans ! Ce n'est pas assez : il se fait fort de confesser Brejnev sur la ténébreuse affaire du dossier Louis XVII détenu à Moscou... et il y parvient ! Surprenante entrevue, où l'on découvre un étrange Premier secrétaire du PCUS... Louis XVII finira tout de même par cesser de hanter l'auteur, quand il lui apparaîtra que le contenu de ce fameux dossier a été falsifié avant d'arriver à Moscou. Jérôme Hesse nous raconte, avec un humour extrême, ses réelles et étonnantes aventures. Un petit livre de folie douce, un style caustique et insolent : voici Jérôme Hesse, un nouvel écrivain. Né en 1959 à Chaillot. Fin mars 1976, il quitte son école. L'effet Louis XVII s'étant estompé, il a décidé de reprendre ses études, perturbées pendant quatre ans. Il vit à Chaillot, comme en un village, et il prépare un roman.
Une fille, une jeune femme vend la mèche. Non plus celle, bien abstraite, de l'oppression et de la cause des femmes. Celle quotidiennement vécue, de la drague. La parole servant d'hameçon dans cette pêche, il était temps d'analyser en détail ce discours amoureux. De je vous ai déjà rencontrée quelque part à vous habitez chez vos parents ?, sans oublier c'est à vous tout ça ?, on peut boire un verre ?. Il suffit de creuser un peu les mots pour voir ce qu'ils cachent. Il y a des mots en accroche-coeur ; des mots en m'as tu vu dans mon joli costume, des mots cuits en compote, déguisés, confits. Il y a des mots crus, des mots qui abîment les choses. Le dragueur varie son style selon qu'il est marin, facho, papa, portier de nuit, président de la République, patron, chanteur de charme, agent de police ou lycéen. Aurélia Briac ne les dénonce pas, ne les critique pas, elle les fait parler simplement. Mais, que trouver sous ces mots codés, ces formules toutes faites, toujours les mêmes ? S'agit-il de véhiculer des tabous millénaires, ou de réinventer l'Amour. Ce mot fileté, majestueux, à sens unique. Ce mot qui s'ouvre sur la surprise du plaisir et se ferme dans un souffle. Pour désigner des choses aussi différentes que la vieille passion. L'à-corps. La drague. Et le nouveau rapport. On voit se dessiner ici les promesses d'une mutation. Avec la naissance d'une solidarité féminine. Aurélia Briac ne théorise pas, nous épargne les classiques anathèmes, l'agressivité. Elle se contente de croquer, de mettre en scène. C'est un ton nouveau dans l'écriture féminine, qui mêle humour et finesse avec poésie. Et on rit, oui on rit à la lecture de ce livre. Dragueurs attention ! Nombreux sont ceux qui se reconnaîtront dans ces pages, teintées parfois aussi d'une étrange tendresse. Il n'y a pas de guerre : hommes, libérez-vous !
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Dans la Bavière pastorale des palais dorés et des églises rococo, un jeune juif américain, passionné d'architecture, croit avoir trouvé la béatitude. Jonathan est amoureux de l'église de Wies, comme on ne peut l'être que d'une femme, ou d'un chef-d'oeuvre. Mais, bientôt, le trouble se mêle à la fascination en un curieux dédoublement. À travers les Mémoires vraisemblablement apocryphes de l'architecte, le vieux Dominikus Zimmermann, le XVIIIe siècle se confond, dans la vie quotidienne de Jonathan, avec le temps présent. D'insolites analogies surgissent, des êtres se font écho d'une époque à l'autre, et les rancoeurs, la violence et les délires du stucateur d'antan rejoignent ce qui survit, en ces lieux apparemment paisibles, de haine, de racisme et de folie érotique. Douloureusement, Jonathan découvrira que c'est là, dans ce décor qui semble disposé pour l'idylle, que le démon nazi a trouvé son secret refuge, le temps d'un concert, d'une chasse et d'une passion. Dense et mystérieux, tout en restant d'une limpide simplicité, le roman de Jean Gaudon impose, avec force, un climat d'une saisissante originalité. Présent et passé s'y fondent en un romantisme cruel, superbe de langue, d'images ; rarement la virtuosité d'un écrivain qui s'affirme, aura répondu aussi bien à l'invention du visionnaire qui l'habite.
Madame Jeanne, c'est l'histoire d'une femme. Elle a eu vingt ans en 1936, à l'époque du Front populaire et de la guerre d'Espagne. Le roman se termine alors qu'elle en a environ cinquante. L'histoire d'une femme, de son adolescence sage à la Sorbonne, de son éducation sentimentale dans le décor de deux guerres civiles, de ses déceptions et de ses trustrations féminines, mais surtout de la grande oeuvre de sa vie : ce collège de Viarmes qu'elle a fondé, où elle recueille des adolescents des deux sexes, retardés ou perturbés dans leur scolarité. Nouveaux élèves des plus étranges, éducateurs eux-mêmes fort peu orthodoxes, tout ce petit monde marginal s'agite sous la férule de Mme Jeanne, dont les souvenirs du temps de la guerre d'Espagne, et de l'Occupation allemande se mêlent à ses expériences actuelles, dans une suite de chapitres courts, à l'ordre chronologique volontairement brouillé. La vie de ces collégiens, avec leurs rêves avortés, leurs risibles amours, leurs faux suicides, c'est un peu le microcosme des folies humaines. Un mélange de drôlerie et de pathétique, qui touchera le lecteur par la justesse du ton, et le séduira par l'habileté de la mise en scène.
Singles se dit en Languedoc des grappillons restant aux vignes après vendanges ; et tel est bien l'esprit de ce recueil d'arrière-saison. La vie au village est, presque toujours, le thème de ces poèmes brefs, à la vérité comme ces menus raisins tard mûrs, aigres-doux dans les premières gelées. Les gens, les bêtes, ces dernières beaucoup mieux traitées, les cyprès, les pierres, et sur le chemin désert où le vent balaye les feuilles mortes de la vigne, le poète aux écoutes des pins dont la rumeur est en lui comme celle de la mer au creux d'un coquillage.
Savez-vous quel jour s'est gelée votre enfance ? Celle de Luc Mohler dit peignecul, dit turlupin, dit peluche, cette enfance a la peau dure. Elle s'écaille, elle flétrit, mais elle est toujours là, intacte et fragile, réfugiée dans sa colère. Entre l'école communale de Ménilmontant et le cimetière du Père-Lachaise, le romancier tapote lentement des phrases qui finissent par nous dire quelque chose de fort et de neuf. Cri sur cri, il prend son pied au piège, il bafouille, il pousse en graine les mots, et il en naît ce texte pustuleux, vengeur, torrentiel et cependant désarmé, cette litanie d'insultes et de grossièretés qui cachent le poignant désarroi d'un homme-enfant dans le monde rétréci des craintifs adultes. Interdite aux ironiquement faibles, la zonarde poésie de ces imprécations dit des vérités bonnes à taire, les révoltes muselées, les impostures essentielles. Quand on a découvert que tous les miroirs sont aux alouettes, est-il bien raisonnable de s'y regarder avec l'ordinaire complaisance des romanciers narcisses ? Il n'y a plus que le crachat qui vaille, ou le coup de poing. Voici un talent qui ne pardonne rien à personne. On le reçoit comme une blessure mais on ne l'oublie plus.
Connaissez-vous cette variété de magnolia à feuilles caduques, dont les fleurs, blanches ou roses, s'épanouissent au premier printemps, somptueuses sur les branches nues ? Pour Jean-Paul Sordet, cette floraison est le linceul de jeunes disparues, le symbole secret d'amours mortes avant d'avoir été vécues. Il a près de cinquante ans. Il travaille dans la littérature, sans avoir jamais pu - empêché par la nécessité de gagner la vie de sa famille -, faute peut-être aussi de génie, se consacrer à l'oeuvre que, jeune, il croyait porter en lui. Sa femme, Claudie, dont le charme juvénile et sportif, l'avait séduit vingt-cinq années plus tôt, vieillit mal à son côté, cherchant amèrement refuge à l'échec de leur couple, dans des revendications et des idéologies hâtives. De-ci de-là, il s'offre une nuit ou quelques heures, avec une amie ou une autre. Ses trois enfants : Patricia, décoratrice dans le vent, Fabrice, étudiant occasionnel et poète confidentiel, Virginie, élève de terminale, sont des nébuleuses qui s'éloignent de plus en plus de lui. Demi-mari, demi-père, demi-amant, demi-écrivain, demi-jeune, demi-vieux, Jean-Paul, guetté par la neurasthénie, considère sans indulgence l'homme qu'il est devenu. [...] Mais voilà que, soudain, Claudie lui apprend la terrible maladie dont elle est atteinte, et que le malheur fait irruption dans un bonheur tard venu. Andrée Martinerie nous plonge dans un suspense sentimental et tragique, qui se prolonge bien au-delà de la dernière page d'un roman qui nous met tous en scène, jeunes et vieux, héritiers du Vieux Monde, ou nés dans le Nouveau - qu'il soit celui d'un continent ou celui d'une génération - dans une ronde où chacun cherche, selon sa morale, ses théories ou ses principes, son accomplissement. Hélas, il arrive que celui-ci dépende de la dose d'égoïsme dont on est capable face à ce sentiment aujourd hui tenu pour tiède, chrétien, larmoyant, pis, masochiste, qui s'élève comme une tempête chez Jean-Paul au chevet de sa femme, et qui s'appelle la compassion.
Beau mais pas jeune, acteur mais raté, américain mais exilé, John D. Alighieri croit être venu en Suisse pour y jouer un rôle, petit, dans un film, non moins petit, mais le hasard (ce sale étranger) en sait plus long, et lui fait rencontrer dans la nuit suisse un Don Juan en habit, qui lui fera jouer un tout autre rôle dans un tout autre film. À Eldorado. Eldorado. Un château en Espagne ? Un caveau de famille ? Une prison ? Peuplé de morts qui ne le sont pas et de vivants qui font semblant, à Eldorado le silence est d'or, les couverts en argent, et les personnes en trompe-l'oeil. Jésus, comme son nom ne l'indique pas, signe des chèques, voué à une éternité de requins. Le petit secrétaire, s'il possède une clé, n'est pas un meuble. Le chauffeur rêve de pianos à queue et cite Shakespeare dans la langue du même. La vertu des épouses couvertes de diamants, brille par son absence, et la mort est un enfant au nom de fleur. Involontaire protagoniste d'un obscur jeu sanglant entre chiens et loups, John D. descend aux enfers pour les yeux jaunes de Julia. Mais Julia aime mal, Julia aime trop. À Eldorado l'amour aussi est un piège. Qui est ami, qui ennemi ? Qui dit faux, qui dit vrai ? Quelle est la racine carrée du mal ? Pauvre Yorick, malgré lui il ne saura ; jamais jusqu'au bout, et le feu fera tomber un rideau rouge sang sur un dernier acte de Shakespeare, plein de bruit de fureur et de mort violente. Le reste est silence. Et des futurs champignons. Il faut passer par Eldorado pour découvrir qu'Eldorado n'existe pas.