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Arts de l'image
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Anders Petersen
Christian Caujolle, Anders Petersen
- Andre Frere
- Juste Entre Nous
- 7 Novembre 2013
- 9791092265101
«L'ancien élève et ami de Christer Stromhölm reste comme toujours attaché à l'humain, à son énigme, à sa solitude et à la profondeur des sentiments complexes qu'il a su mettre en évidence aussi bien à l'hôpital psychiatrique qu'en prison. Pour aboutir à cette profonde « vérité », il vit avec ceux qu'il photographie. Il résume parfaitement le dilemme qui est le sien : « Je sais que pour faire de bonnes photographies, pour être à la distance juste, il faut que j'aie un pied dedans et un pied dehors. Mon problème, c'est que je finis toujours par avoir les deux pieds dedans !
Cela date du tout début, quand, en 1967, il s'installe pour trois ans dans un bistrot du port de Hambourg, le café Lehmnitz, hanté par les marins en goguette, les prostituées, les paumés et les alcooliques du quartier. Là, on boit, on danse, on s'aime, on pleure, on chante. Anders vit là, prend des photos au vol et dresse un portrait bouleversant d'une humanité en dérive qu'il aime profondément. Et il révèle, dans des situations de marginalisation, une intensité et une vérité rares des sentiments. Poète d'un monde souvent noir, raisonnable à sa manière parce qu'excessif, Anders Petersen est en constante prise de risque.»
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À l'heure où le changement climatique s'accélère, où le réchauffement de la planète commence à modifier notre mode de vie, à l'heure où les cataclysmes météorologiques se multiplient et où les populations de notre planète commencent à migrer afin de survivre, le travail de Maxime Riché rend compte d'une catastrophe récurente : les Mégas feux de forêt. Le projet de Maxime Riché, intitulé Paradise du nom d'une de ces villes ravagées par les mégas feux dans le comté de Butte, Sierra Nevada, Californie, région qui par deux fois a connu des incendies de très grande ampleur, a été réalisé sur plusieurs années, auprès des habitants qui cherchent à reconstruire leur « paradis perdu » dans un environnement devenu particulièrement hostile. «Pour retranscrire de façon sensible leurs émotions et permettre au spectateur de voir à travers les yeux des survivants de Camp Fire, j'emploie un film infrarouge dont les tonalités embrasées viennent ponctuer la normalité ténue d'une vie qu'ils essaient de reconstruire. Ces images, flash-backs de l'enfer vécu, rappellent la mémoire des flammes gravées sur leurs rétines, telle une hallucination quotidienne alors qu'ils reconstruisent avec la peur du prochain mégafeu au ventre, cernés par les fumées des incendies successifs. Naviguant aux frontières du documentaire et de la fiction, comme un va-et-vient entre l'éveil et un mauvais rêve auquel on ne parvient pas à échapper, la série Paradise est une parabole sur notre capacité d'adaptation ». Maxime Riché, extrait. PARADISE a été exposé à : - Itinéraires des photographes voyageurs - 1er au 30 avril 2023 - Bordeaux - Festival La Gacilly photo, édition spéciale 20ans - La Gacilly, 1er juin -1er octobre 2023 - 45 photographies grand format (1m50 à 3m) - Promenades photographiques de Blois - Blois, juillet-août 2023 - 26 photographies du projet - Anticipation festival à l'académie du Climat - Paris, 17/09/23 - Quai des Savoirs - Exposition «Feu, mégafeux» de la cité des sciences de Paris - Toulouse, octobre 2023 - VR + exposition de grandes photos dans le centre du lieu. - Bibliothèque Nationale de France - Paris, octobre 2023-février 2024 - Photo Saint-Germain et CNAP (Centre National des Arts Plastiques) Paris, novembre 2023.
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Harry Gruyaert par Brice Matthieussent
Brice Matthieussent
- Andre Frere
- Juste Entre Nous
- 5 Octobre 2023
- 9782492696169
Depuis quelques décennies, Harry Gruyaert est sans doute le plus célèbre photographe coloriste. Né à Anvers en 1941, passionné de cinéma depuis toujours, c'est cependant dans la photographie qu'il fait carrière, rejoignant l'agence Magnum en 1981. Brice Matthieussent, écrivain, critique et traducteur, est l'ami de Harry Gruyaert depuis bientôt quarante ans. De leur complicité naissent des échanges mêlant souvenirs marquants - la Belgique en noir et blanc, puis en couleurs, la découverte du Maroc, de l'Inde, des États-Unis, de la Russie, de l'Afrique - anecdotes étonnantes ou émouvantes, humour et ironie, admirations, et surtout les traces d'une farouche énergie, d'une volonté de découvrir des paysages nouveaux, des modes de vie différents et toutes les potentialités de ce médium inexploré qu'était la photographie couleur il y a une cinquantaine d'années. Chaque chapitre consacré à un pays ou à une pratique photographique explorée par Harry Gruyaert - la mode, l'industrie, le théâtre, les scènes de rue, les paysages, etc. - débute par l'évocation d'une image iconique de Gruyaert liée à ce sujet précis, avant de mêler la biographie à des réflexions passionnantes sur l'oeuvre d'une vie et, bien sûr, sur la photographie de cet immense coloriste.
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Le livre Brûlure, réalisé essentiellement à partir de polaroïds, est une expérience, une initiation secrète imaginée par une femme, une traversée du feu. Une tentative de saisir le point de feu qui marque une substance comme l'instant d'amour marque une existence. Dès les premières pages, sans trop savoir où nous allons, voilà que nous progressons lentement sur un chemin de brûlure et de métamorphoses. Nous traversons des paysages, des corps, des forêts, des scintillements, une rivière, le temps. Des peintures anciennes se devinent et un geste se répète : quelque chose a lieu. Comme dans La divine comédie de Dante, Brûlure de Linda Tuloup, mis en page par le graphiste Ruedi Baur, nous entraîne lentement dans l'obscure clarté où l'être ne finit jamais d'errer. Avec ses images délicates, la photographe pousse nos corps et nos âmes dans les constellations de l'être, dans la question éternelle, dans l'éternelle nécessité de l'être. Les brûlures qu'elle risque sont là afin que les images se chargent d'aura bien plus qu'elles ne disparaissent. Lorsqu'elles brûlent, soudain en leur centre, une amande incise s'ouvre afin qu'accouche un autre territoire. Linda Tuloup traque l'insaisissable. Chacune et chacun tournent autour d'un tel espace entre flamme et cendre. Une fois le livre refermé, plâne au-dessus de nous le fantôme de la « question sans réponse » de Georges Bataille : « L'immensité, comme toi, n'a pas de robe. Silencieuse et nue, n'est-ce pas l'intimité de l'univers à laquelle t'ouvre un vertige intolérable ? ». Linda Tuloup, à travers ses séries photographiques, la relation qu'elle entretient avec la nature et l'image du féminin, dépassant la simple séduction pour nous faire pénétrer dans un univers poétique où l'inconscient devient langage à part entière. Ce sont des rites intimes qui débordent l'espace : des polaroïds dont elle passe la matière à la flamme, des pierres sur lesquelles elle révèle ses images, des films photographiques, dont FEU où le secret même des origines se transmet à travers une ville perdue, un visage absent, une nuée d'oiseaux.
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The new cubans
Jean-François Bouchard, Jorge Pere, Matthew Leifheit
- Andre Frere
- 5 Novembre 2024
- 9782492696220
La photographie cinématographique de Jean-François Bouchard
éclaire la culture contemporaine de Cuba, jusqu'alors peu rapportée, révélant
une communauté polymorphe et intime où l'expression personnelle et la diversité
de genre sont célébrées. Les préconceptions d'uniformité sociale
communiste et les clichés de l'ère de la Guerre froide sont
subvertis dans ce voyage photographique ambitieux qui dévoile les sous-cultures
émergentes à La Havane. Les textes incluent une interview avec le
célèbre photographe et ancien directeur photo de Vice, Matthew Leifheit, ainsi
qu'un essai du critique d'art cubain Jorge Peré. The New Cubans
présente un Cuba que peu d'étrangers savent même qu'il existe, c'est un voyage
visuel dans le Cuba moins connu de la jeune génération. Loin des représentations
clichées des cigares cubains, des voitures anciennes, des complexes hôteliers
tout compris et des échos de la guerre froide, ce livre célèbre une réalité
nouvelle et vibrante définie par la non-conformité, la diversité des genres,
l'expression créative et la crise actuelle d'un exode migratoire
massif. «Il m'a fallu plus de quatre ans pour trouver mon approche.
J'ai continué à surveiller la montée de sous-cultures fascinantes à Cuba, celles
qui se sont développées parallèlement à l'expansion de l'accès à Internet sur
les téléphones mobiles. La plupart des étrangers supposent qu'un
régime communiste à Cuba réprimerait l'exposition à la culture américaine, à la
diversité des genres et, plus généralement, aux modes de vie alternatifs. Mais je voyais le contraire sur les réseaux sociaux. La
jeunesse s'épanouissait, même dans ces conditions économiques très difficiles.
Cela m'a énormément inspiré et j'ai pensé qu'il était pertinent de montrer au
monde que les jeunes Cubains ne sont pas coincés dans les clichés de la guerre
froide que les étrangers imaginent encore lorsqu'ils pensent à l'île. Un Cuba inconnu se dessinait et je voulais le montrer». J.F
Bouchard, extrait. -
Tourism in the climate change era / le tourisme à l'heure du changement climatique
Marco Zorzanello, Lorenzo Perrone, Paolo Galli, Hervé Barmasse, Jacopo Gabrieli
- Andre Frere
- 26 Octobre 2023
- 9782492696145
Ces dernières années ont été les années les plus chaudes jamais enregistrées, et de plus en plus de cataclysmes météorologiques prouvent que le changement climatique n'est plus une hypothèse future, mais bien un phénomène présent. La transition d'un mode de vie à un autre oblige la société à s'adapter, à migrer ou à résister, imprimant d'artificielles mutations à l'environnement.
Cet ouvrage cherche à explorer comment l'industrie du tourisme réagit aux effets du réchauffement climatique, tels que la diminution des chutes de neige, la désertification, la fonte des glaces polaires et la montée du niveau de la mer. Entre 2015 et 2021, ce concept a donné naissance à quatre projets distincts à travers le monde, qui sont rassemblés ici dans ce livre : Snow Land (Aux pays des neiges), situé dans les Alpes italiennes des Dolomites ; Water Tour, (La route de l'eau) réalisé en Palestine et en Israël ; Iceberg Souvenir (Souvenir d'iceberg), couvrant le Canada, le Groenland et l'Islande ; et enfin, Lost Paradise (Paradis perdu), situé dans la République des Maldives.
Dans les Dolomites, des millions de visiteurs se sont habitués à skier sur 1200 kilomètres de pistes artificielles. Nous assistons à un décalage de la saison d'hiver, avec un très net raccourcissement de la période pendant laquelle la neige naturelle peut être appréciée. Afin d'éviter un effondrement culturel et économique de la communauté locale, les acteurs publics et privés ont réagi en reconstruisant artificiellement l'« hiver ». De novembre à mars, les Dolomites changent de peau, transformant ses paysages à couper le souffle en toile de fond en un immense parc de neige artificielle. Un Snow Land.
Les niveaux d'eau de la mer Morte et de la mer de Galilée ont définitivement chuté en dessous des seuils critiques, et le Jourdain s'est réduit à un simple filet d'eau boueuse. Le processus de désertification en cours s'accentue, aggravant une crise de l'eau déjà chronique dans la région. Ces sites connaissent néanmoins une augmentation de la fréquentation touristique et, afin d'en tirer parti, les hôtels ont mis en place des installations de baignade mobiles qui suivent pas à pas la baisse du niveau de la mer Morte. Paradoxalement, cette industrie du tourisme montre également ses contradictions en plein désert du Néguev, là où l'eau est par définition absente : des hôtels de luxe et leurs piscines garantissent un passionnant Water Tour, coûte que coûte.
Les glaces du cercle arctique reculent, tandis que le Canada, l'Islande et le Groenland font face à des températures plus chaudes. L'écosystème se transforme inexorablement, entraînant des fragmentations de glace plus grandes et plus nombreuses. Dans ce scénario apocalyptique, nous voyons des scènes dans lesquelles des touristes tentent de saisir un morceau d'iceberg fondu du pôle Nord d'une main tout en tenant une perche à selfie de l'autre, impatients de capturer le moment. Du Groenland au Canada, en passant par l'Islande, nous assistons à la vente du « vrai Nord », avec des forfaits de voyage tout compris offrant l'expérience du changement climatique, y compris un Iceberg Souvenir pour seulement cinq dollars.
Les températures océaniques en augmentation constante provoquent le blanchissement de l'une des merveilles naturelles les plus magnifiques au monde : le récif corallien des Maldives. Cette incroyable barrière naturelle est désormais menacée par les impacts du réchauffement climatique. De plus, le tourisme de masse, le dragage des fonds marins pour ériger des îles artificielles et l'accumulation de déchets flottants exacerbent cette catastrophe masquée. En conséquence, les Maldives succombent progressivement à l'érosion marine. Mais si le niveau de la mer monte, l'urbanisation sous-marine augmente également. Dans une tentative à court terme pour attirer plus de visiteurs, des entreprises de luxe transforment certains atolls en une sorte d'Atlantis pour touristes. Pour préserver ce qui reste, des murs marins ont été construits, et les touristes peuvent profiter de la vue à couper le souffle de ce Lost Paradise derrière d'inoubliables barrières en béton massif.
Bien que le tourisme semble être un secteur périphérique, il joue en réalité un rôle significatif, représentant 10 % du PIB mondial. Les vacances restent un signe distinctif du statut social de la classe moyenne dans le monde entier ; or, dans un proche avenir, nos vacances rêvées pourraient ne plus être qu'un lointain souvenir.
Non sans ironie, cet ouvrage tente d'analyser un thème d'importance planétaire : les effets du changement climatique sur nos modes de vie. -
The other end of the rainbow
Kourtney Roy, François Cheval, Gladys Radek
- Andre Frere
- 12 Juillet 2022
- 9782492696060
« En substituant l'absence à la preuve directe, Kourtney Roy souligne les impossibilités d'un discours d'évidence sur ces vies « minuscules » qui n'attirent jamais l'attention. En Colombie Britannique (Canada), depuis 1969, c'est-à-dire pendant plus de 50 ans, les meurtres vont s'étaler dans le temps. Des dizaines de femmes et de filles vont disparaître, quelques unes seront retrouvées mortes, dispersées le long de ce que l'on appelle désormais « l'autoroute des larmes ». Disparitions et crimes en majeure partie non élucidés. Ainsi ce transport ne sera en rien la description pittoresque du Grand Nord. Roy nous met à l'épreuve de percevoir, depuis des lieux vides en eux-mêmes et sans vie apparente, une humanité sacrifiée et reléguée. Face au déni d'une société, le rôle que Kourtney Roy accorde à la photographie est de s'attacher, malgré tout, à partager une douleur et à faire ressentir une tension qui ne peut trouver d'exutoire que dans le drame.
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Après sa série photobiographique Cavale (2021), voyage sentimental à Deauville, le photographe et auteur-compositeur Nicolas Comment jette l'ancre à Saint-Tropez.
Cette destination mythique de la French Riviera a été découverte par l'artiste en 2014, grâce à une invitation du chanteur Christophe qui lui proposa de venir le rejoindre pour écrire à bord de son voilier, qui mouillait alors dans la baie des Canoubiers.
Entre 2020 et 2022, fuyant Paris et les confinements à répétition, le photographe et sa famille trouvent refuge dans le Golfe de Saint-Tropez, chez une amie galeriste qui leur permet d'inventer une nouvelle histoire photographique : Blue movie.
Sur place, Nicolas Comment photographie sa femme - Milo Mc Mullen - et leur fille dans les ruelles d'un Saint-Tropez hors saison. Promenant son boîtier sur les terres émergées du fauvisme, il y croise également les
fantômes des existentialistes à La Ponche ainsi que plusieurs héroïnes contemporaines ; telles Zula (ex-capitaine du Crazy Horse) ou Marie, une jeune artiste alors exilée dans le village solaire.
À ses côtés, Milo et ses amies voguent sur le voilier du film Plein Soleil ou à bord du vieux pointu du « dernier des dandys» (Christophe) ; elles roulent en Méhari, s'assoupissent dans la chambre de Roger Vadim ou
déambulent près de la Madrague, accueillies dans une petite maison de pêcheurs, voisine de celle de Brigitte Bardot.
Dans ces visions de sororité sous la lumière de la Méditerranée, les photographies de Nicolas Comment apparaissent comme des Time capsules qui précipitent le regardeur dans d'autres strates temporelles, oniriques et sensuelles : reliques d'un film perdu.
Le titre de la série est effet emprunté à un scénario mythique de Terry Southern (co-scénariste de Barbarella avec Roger Vadim), Blue Movie : un film érotique au départ destiné à être réalisé par Stanley Kubrick, mais jamais tourné.
Dans cette aventure douce-amère, ce film arrêté, le photographe plonge le spectateur dans les paradis perdus d'une dolce vita révolue. Une échappée visuelle - antidote aux années de plomb actuelles - où des femmes nées de la (nouvelle) vague poussent les portes de « l'Autre
Saint-Tropez », cher à Colette et aux peintres Fauves. -
Bobby Sands est mort le 5 mai 1981 à 1h et 17mn du matin.
Bobby Sands est arrêté et condamné à 14 ans de prison pour possession d'armes à feu. Il commence le 1er mars 1981 une grève de la faim suivie par neuf autres prisonniers politiques membres de l' IRA ( Armée Républicaine Irlandaise) et de l'INLA ( Armée nationale de Libération irlandaise).
Leurs revendications : obtenir le statut de prisonniers politiques auquel ils ont droit. Ils mourront tous, les derniers dans la presque indifférence générale.
Ces épisodes qui pourraient évoquer une « histoire ancienne » rejoignent malheureusement la plus proche actualité. La Catalogne, aujourd'hui, réclame son indépendance comme d'autres états et citoyens de l'Europe, lassés de voir leur identité se diluer dans la « mondialisation ».
Le conflit entre Catholiques et Protestants, les partisans de l'indépendance et du maintien dans la couronne rappelle l'histoire passée de la Grande- Bretagne et du clivage actuel entre partisans et opposants au Brexit.
L'Irlande du Nord, terre la plus pauvre de l'Europe qui a fourni les contingents de travailleurs à la première révolution industrielle britannique et les déracinés qui ont construit l'Amérique au XIXe siècle rappelle la crise des migrants qui s'est installée durablement dans nos sociétés.
On pourrait évoquer aussi le clivage Nord-Sud, catholiques pauvres du Sud contre Protestants riches du Nord, à l'envers cette fois-ci.
Conclure par l'immense respect qu'inspire ce peuple de déshérités et d'insoumis unis jusqu'au sacrifice de ses enfants pour écrire par la souffrance cette page d'éternité.
Yan Morvan est à l'époque photographe pigiste à l'agence de presse Sipa, une des trois grandes agences de presse photographique parisienne des années 80. Il a le profil du jeune reporter déterminé risquetout qui convient à la situation d'émeutes qui règne en Irlande du Nord.
Il est alors tout naturellement envoyé sur les affrontements de Londonderry en avril 1981. Il y restera trois semaines et y retourna plusieurs fois pendant cette même année.
« Ces semaines que j'ai vécu à Derry et Belfast, vivant avec les émeutiers de quartiers catholiques, photographiant la tension, le désespoir, la foi et le courage des Irlandais, utilisant l'appareil photographique comme d'une arme servant leur cause, me persuadèrent à tout jamais du bien-fondé du témoignage photographique comme instrument de mémoire, d'émotion, de réflexion, gages d'un monde libre et démocratique ». Yan Morvan.
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Paolo Roversi par Christian Caujolle
Paolo Roversi, Christian Caujolle
- Andre Frere
- Juste Entre Nous
- 17 Novembre 2022
- 9782492696121
Si on le connaît surtout pour ses photographies dans le domaine de la mode, Paolo Roversi n'est surtout pas photographe « de » mode. Ce grand connaisseur de la photographie - qu'il collectionne avec un goût très sûr -, cet amateur, au plus beau sens du terme, de livres qui, dès sa jeunesse l'ont familiarisé avec les classiques comme avec les auteurs de sa génération, est photographe, tout simplement.
Il considère chaque photo comme un « portrait », qu'il s'agisse d'un visage, d'une robe, d'un paysage ou d'une cafetière, et affirme sa passion pour August Sander, Diane Arbus ou Richard Avedon. Et évidemment Robert Frank dont il fut proche. Simplement parce qu'il cherche à « placer au centre du monde » ce qu'il photographie, qu'il s'efface pour pouvoir éliminer et épurer au maximum. Avec une grande élégance.
Au début, cela n'a pas été facile. Le COVID 19 nous a empêchés de nous voir en face à face et nous avons dialogué par écrans interposés, ce que ni l'un ni l'autre n'aimons et qui ne se prête guère au type d'échange qui est la règle, la base et le fondement de ces discussions. Dès la première rencontre physique sur la terrasse du Studio Luce et malgré l'intempestif passage d'un hélicoptère, la parole est devenue plus fluide. D'autant que le lieu est accueillant, que le studio, dans un immeuble des années trente au sud de Paris fait cohabiter espaces de vie et de travail. Comme une évidence. Retrouvailles complices, échanges, partage. Et toujours cette bonne humeur élégante, ce sourire qui plisse au coin des yeux, ce rire fréquent et jamais haut, cet humour léger, une façon de ne pas se prendre au sérieux, une forme de prédestination au bonheur comme une décision de vie. On sent à chaque instant une exigence, par nécessité et, tout aussi forte, l'indispensable liberté qui ouvre les portes. Le rythme est souple, musical, à la fois ferme dans ses convictions et jamais arrogant. Français parfait et précis pour le plus italien des parisiens, ou, peut-être, le plus parisien des italiens. Peu importe, d'ailleurs. Oui, une évidente élégance. Comme, plus tard, dans son appartement lumineux au dernier étage d'un bel immeuble. Un univers habité, ni en désordre ni vraiment rangé, surtout pas arrangé. Un monde de livres, dès l'entrée et dans presque toutes les pièces. Des livres de tous types, poésie, roman, philosophie, littérature, photo évidemment, livres d'art et de remarquables exemplaires reliés de belles éditions anciennes- vu une originale de Paul et Virginie, un ouvrage de 1776 sur l'Italie avec des aquarelles magnifiques ou un exemplaire des oeuvres complètes de Jules César - qui viennent de son épouse, Laetitia, ancienne top model descendante des imprimeurs typographes Firmin Didot. Un monde de photographies, partout, dans toutes les pièces, au mur ou sur des rangements en bois à croisillons. Peu de photographies du maître des lieux, finalement, mais beaucoup de pépites, de Robert Franck - beaucoup - à Diane Arbus - dont le si rare autoportrait enceinte - à Kertész - un petit tirage inédit d'une vue de Paris -, plusieurs Shoji Ueda ou Louis Faurer. Et tant d'autres, mêlés à quelques photos de famille. Face à un mur entièrement couvert de photographies, bouleversant, un Lucio Fontana blanc, d'un format inhabituellement grand, très pur d'une seule entaille verticale. On aperçoit, dans une bibliothèque dont les portes vitrées protègent des livres particulièrement précieux, un petit paquet carré, emballage mystérieux des tout débuts de Christo. D'autres peintures au mur, dont une d'un ami. Ici, rien n'est décoration, on vit dans un environnement où l'art trouve tout naturellement sa place pour que l'on vive avec lui. On le respire. Mais il ne s'agit ni d'un musée, ni d'une monstration, encore moins d'une démonstration. Pas de logique, pas de hiérarchie, une manière plutôt d'autoportrait fait de bribes de souvenirs, de moments d'une vie, d'émotions préservées.
Nous n'avons, finalement, pas tellement parlé de mode. Sans doute parce que ce n'est pas vraiment le propos, même si celui qui dit avoir été fortement influencé par August Sander est catalogué comme photographe « de mode » et que c'est son activité professionnelle principale. Mais il est évident que pour celui pour qui « tout est portrait » l'enjeu, le seul, est la photographie. Donc la lumière. Et une indispensable liberté que l'on retrouve dans la façon d'évoquer et sa pratique et des souvenirs, de se dire sans toujours se dévoiler, avec une pudeur qui n'est pas un calcul ou une cachotterie.
La parole est fluide, les émotions et les souvenirs reviennent, les convictions, les commentaires, sans affectation. On se parle. Juste entre nous. -
L'océan Arctique, illuminé par la pleine lune ou par des aurores boréales aux couleurs dansantes. Un aigle royal sur un rocher, ou la mer de Barents, comme une aigue-marine brillante posée sur une neige blanche et éblouissante. Il est difficile de ne pas s'abandonner au spectacle grandiose de cette nature, et le Finnmark, dans le nord de la Norvège, ne manque pas d'interprètes photographiques. Cato Lein, qui a grandi dans le minuscule village de pêcheurs de Båtsfjord, sur la péninsule de Varanger qui se trouve au bout de la toundra russe et du Gulf Stream, n'était d'abord que peu convaincu par sa contribution en tant que photographe. L'entassement des clichés de cartes postales a imposé une forme de silence en lui - une peur d'avoir perdu le contact avec l'esprit du lieu.
Ce n'est qu'après avoir travaillé comme photographe pendant plusieurs années à Stockholm qu'il s'est trouvé prêt à affronter à nouveau le paysage du Finnmark, cette fois avec son expression et son esthétique propre. Il a également décidé d'arpenter la région samie du Finnmark intérieur, qui lui était totalement inconnue. Les images de Northern Silence ont été prises sur une période de vingt-cinq ans, du milieu des années 1980 à 2012, mais ce n'est que récemment qu'elles ont pu être traitées dans l'une des rares chambres noires accessibles à Stockholm. À l'exception de la puissante photographie panoramique d'un bateau naviguant sur le fjord qui mène à son village natal, la fougue du photographe est contenue. L'ambiance se fait terne, déployant une opacité qui rappelle plus les contrastes marqués de la photographie documentaire sociale que ceux des paysages classiques. Dans Northern Silence, Cato Lein a articulé sa propre histoire au-delà des clichés de soleils de minuit et de rennes face à des horizons flamboyants. La coïncidence joue un rôle important, notamment du fait du négatif hypersensible de l'appareil polaroid, qu'il faut immédiatement protéger après la prise de vue. Lorsqu'il se promenait avec son trépied au fil du paysage, il gardait les cartouches de film dans un sac près de sa poitrine pour éviter que la gélatine ne gèle. De temps en temps, un bref moment d'inattention faisait coaguler la couche réactive du film. Une rare fois, l'émulsion du négatif a au contraire été endommagée par une eau trop chaude.
L'image des ronces des tourbières couvertes de fleurs blanches, avec sa lumière blessée, montre une délicatesse inattendue. Dans une autre image, alors que le papier était vraisemblablement resté collé dans l'émulsion, l'oeuvre présente ses qualités graphiques.
Le paysage du Finnmark n'est plus le même que lorsque Cato Lein a grandi. Au cours des cinquante dernières années, il s'est réchauffé et la toundra est sur le point de disparaître. Sur les montagnes de granit dénudées du passé, la mousse pousse maintenant et les bouleaux arctiques ont été remplacés par des arbres élancés. Le livre capture ce paysage transformé, avec son imagerie saisissante et sombre qui se déploie au fil des doubles pages. -
Raymond Depardon
Raymond Depardon, Christian Caujolle
- Andre Frere
- Juste Entre Nous
- 4 Novembre 2014
- 9791092265217
Après Anders Petersen, Christian Caujolle, nous fait découvrir dans cet ouvrage l'univers du grand photographe de l'agence Magnum: Raymond Depardon.
En confiance, Raymond Depardon parle. Beaucoup, longuement, sans hésitation mais avec un débordement de digressions. Les repères temporels sont parfaitement en place, l'histoire présente, les souvenirs se combinent et les mots semblent en appeler toujours d'autres qui mènent la pensée ailleurs, ou plus loin qu'au moment où elle s'était mise en oeuvre.
De l'enfance rurale à «la montée à Paris», de l'agence Dalmas entre people quotidien et terrains d'actualité et de guerre à la fondation de Gamma dont il devient un jour rédacteur en chef embauchant de jeunes photographes, puis de Magnum au cinéma, puis du livre - essentiel - à l'exposition, un Raymond que l'on pense parfois taiseux se révèle volubile.
Il s'épanche sur ses motivations, ses envies, ses rapports, très importants et pensés en permanence à la technique, pour la photographie comme au cinéma. Choix d'appareil, de machines - dont il possède un très grand nombre, du Rolleiflex à la chambre grand format, et qu'il choisira en fonction du projet - qui détermineront un rapport au monde parce qu'elles imposent un angle de vision et une conception du plan. Il dit aussi sa relation à l'écriture, au texte, à la façon dont il les pratique et les lie.
Il dit, pudiquement, des aspects intimes de son parcours, les envies d'emmener avec lui en reportage celle dont il est amoureux à un moment, ses départs parce qu'une relation sentimentale n'aboutit pas, n'est pas satisfaisante, des départs entre besoin de ne pas souffrir et de prouver, à lui et à l'autre, ce qu'il est, ce qu'il peut dire et donner.
Une parole touffue qui correspond bien à ses tensions - qui ne sont jamais que des réalisations - entre photographie et cinéma qu'il transpose ou transporte l'une dans l'autre et vice-versa.
Des mots qui disent et tentent de cerner les « photos de colère » qui l'ont toujours animé, en Afrique comme en Amérique Latine ou en France, avec les paysans ou les paysages qui ressemblent encore quelque peu à ceux qu'il a connus dans sa prime jeunesse.
Des mots qui, souvent, lorsqu'ils s'apaisent, s'interrompent sur la permanence d'une solitude profonde. Celle qui le ramène toujours, sans que l'on le lui demande jamais, vers la ferme du Garet.
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En Camargue, Marco Rigamonti a rencontré un monde premier, l'eau et la terre épousant leurs intensités sous un ciel de lumière pure.
Les paysages qu'il contemple sont silencieux. L'homme est passé par là, qui disparaîtra plus vite que la forme des lieux.
Percevant les correspondances entre les objets façonnés et le territoire qui les porte, le photographe aborde l'espace comme on le respire, calmement, les poumons se remplissant d'air, puis se vidant.
Ses images sont ainsi dépouillées d'affects faciles ou de sentimentalité, la psychologie étant le plus souvent une taie entre le regardeur et les scènes qu'il reçoit.
Au pays des manades, Marco Rigamonti propose un voyage dans l'ocre et la grâce de toute présence, entre allègement du moi et solennité très ancienne.
Il y a dans ses rectangles de vision de la gravité, mais aussi de l'absurde et de l'humour spontané, sans moquerie.
L'émouvante intimité des choses y rencontre le saugrenu, ou l'incongru, et l'éclat de la vérité de ce qui est, simplement baigné de soleil, la malice du spectateur.
On entre en ses photographies comme on pénètre dans une arène sans savoir d'où viendra l'animal qu'il nous faudra affronter dans un combat plus spirituel que physique.
Les signes de la culture camarguaise sont montrés, entre sentiment de survivance de l'ethos d'un peuple et surprise d'advenue.
Si l'on perçoit ici de l'oisiveté, ce n'est pas au sens du vice que déploraient nos grands-mères, et les affairés du Spectacle tournant sans fin dans le vide, mais au sens du souci du soi des Antiques, cette sagesse dans l'approche du temps et des corps jetés dans l'impermanence.
C'est une attente sans drame sous la brise chaude, ou les rayons de plomb, une conscience de la maturation nécessaire pour que chaque entité - végétale, animale, humaine - arrive à son terme en développant le meilleur de son suc.
Marco Rigamonti a photographié un Far-West français à la fois drôle et sauvage, ouvert à tous les êtres ayant su préserver leur part d'indocilité, leur liberté, leur grain de folie.
La Camargue qu'il révèle, sèche et recouverte d'eau séminale, est une puissance, un royaume camarade pour les solitaires, un désert où affronter, front droit, la Camarde.
Dans le dialogisme de ses images, un tuyau d'arrosage est bien plus qu'une ligne de caoutchouc serpentant dans le sable, c'est aussi, dans la conversation secrète des formes, l'arcature surplombant une fontaine en construction, le rail d'un train fantôme, ou la courbe délicieuse d'un tobogan.
S'il est identifiable sur une carte de géographie, l'espace qu'arpente l'artiste italien est aussi de l'ordre d'une cosa mentale peuplée de signes pouvant paraître étranges pour les non-initiés, comme des archétypes sibyllins.
On peut penser à la peinture métaphysique de Giorgio De Chirico, et à la sensation troublante d'un monde de pure autonomie échappant à la causalité ordinaire.
En ces territoires de sable et de poussière, des Aliens débarqueront peut-être, les tables de pique-nique arachnéennes n'étant d'ailleurs pas sans rappeler tel épisode fameux de La Guerre des étoiles.
Par petites touches et décalages de détails, presque imperceptiblement, Marco Rigamonti nous fait entrer dans une fiction où un homme torée une camionnette, et où les éléments de la réalité semblent concourir à la construction d'un vaste trompe-l'oeil.
Plane en ce pays unique, et rempli d'artefacts, une âme taurine gigantesque, comme si le moindre acte, la moindre scène, était regardée par qui a déjà été soumis au combat ultime, et l'a perdu.
Voyant défiler les grandes étapes de son cadre familier, le bel animal trépassé prend le temps, luxe pour une noble bête à cornes élevée pour la lutte - mais l'éternité n'est pas pressée -, d'aller flâner du côté de Piémanson, de ses caravanes parfois éventrées, de ses pirates, de ses baigneuses graciles et de ses touristes égarés.
Par la stupeur sereine de ses images, et leur douce ironie, le photographe affirme qu'il n'y a pas de pureté identitaire, mais un jeu, certes sérieux, intime, avec les codes de l'appartenance, ce qui ne peut que réjouir.
Faulkner l'écrivait : « Le temps ne passe pas, il n'est même pas passé. » Fabien Ribery -
Certains contextes indiquent si clairement nos intentions que nous n'avons même pas besoin de les exprimer pour être compris. Avec The Tourist, Kourtney Roy se distingue une fois encore comme une virtuose de la création contextuelle.
Les vacances devraient être un moment de détente ; mais quand on est une touriste à la recherche d'un mari, elles se muent en un labeur harassant...The Tourist contient toutes les marques de fabrique de Roy que nous aimons et attendons : l'autoportrait, une approche cinématographique, sa palette colorée bien particulière, ainsi qu'une tension entre le clin d'oeil spirituel et l'atmosphère sinistre, la convention et le bizarre, le chic et le toc, les frontières entre la réalité et l'imaginaire sont brouillées. La qualité hors pair de The Tourist tient à l'organisation méticuleuse du moment où nous quittons notre monde extensif et pénétrons dans son monde intensif. Roy crée une métaphore visuelle d'un univers que nous croyons connaître.
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The Americans I Met est un projet combinant photographie et histoire orale. Il rassemble des portraits et des conversations réalisés au fil de rencontres que le photographe Viktor Hübner a vécues lors d'une série de voyages en auto-stop à travers les États-Unis. Avec seulement son appareil photo, un enregistreur audio et quelques provisions, il a parcouru 41 États et plus de 25?000 km de 2017 à 2019. Tout au long de ses voyages, Viktor Hübner a privilégié les rencontres fortuites et s'est appuyé quotidiennement sur l'hospitalité des personnes qu'il a croisées. Voyageur étranger, il est devenu le témoin oculaire de la vie pratique et spirituelle de nombreux Américains, et le porteur de nombreuses confidences. Ce livre se concentre sur les personnes que Viktor a rencontrées lors de ses voyages, leurs paroles, leurs expériences et, par extension, l'ère Trump dans laquelle elles ont vécu.
The Americans I Met de Viktor Hübner. Le titre est peut-être trop modeste pour l'ampleur du projet et l'ambition qui le sous-tend. Hübner a absorbé et actualisé stylistiquement le travail de photographe comme Stephen Shore, Mitch Epstein, Walker Evans et même Robert Franck, ou de confrères allemands comme Thomas Struth, qui s'est rendu au Yosemite et à El Capitan pour nous montrer la file de voitures garées et de touristes prêts à «cliquer». Mais Hübner a également utilisé les codes de l'art conceptuel et de la performance. Il a établi des règles, mis en place un système, l'a laissé fonctionner et est allé là où le processus l'a mené. Pas de voitures de location, pas d'hôtels, pas de transports publics, pas de réservations sur Internet, pas de relations sexuelles avec les personnes qu'il a rencontrées, juste assez d'argent pour la nourriture et les films et être ouvert à ce que les gens rencontrés avaient à lui dire. Cela semblait risqué, 16 000 miles parcourus entre 2017 et 2019 sous la présidence Trump, lorsque les «guerres culturelles» sont devenues un cri de guerre et que la notion selon laquelle les hautes clôtures font les bons voisins est devenue plus qu'une métaphore.
Hübner est l'opposé de Robert Frank. Là où Frank cherchait le thème et le motif, avec des nuances de menace et de révélation, Hübner cherche l'anomalie et l'apparition - l'inexplicabilité soudaine. Il est ouvert à l'absurde, alors que Frank ne l'a jamais été. Cette vision est équilibrée - ou plutôt augmentée - par de nombreux portraits attentifs, où le jugement est mis de côté. La notion de portrait photographique a fait long feu. Mais dans ce livre, les portraits jouent un rôle clé. Ils ralentissent le rythme du voyage et déplacent l'attention des événements vers les personnes, des stéréotypes vers les individus. Tyler, de l'Oregon, vêtu d'une toge héroïque ; Robert, Paris et leur fille de la tribu Nez Perce, allongés ensemble dans une unité de protection ; une coupe de cheveux à domicile avec les Kirkpatricks dans les grands espaces de l'Ouest - ces portraits capturent un sentiment d'humanité, des personnes qui respirent en dehors du cadre. Peut-être les Américains ont-ils vraiment une vie intérieure. Pourtant, la question demeure : qu'a découvert Hübner au cours de ses voyages ? Est-ce simplement ce qu'il a apporté avec lui, les mythes, les icônes de la culture pop, la couverture médiatique sensationnelle et le scepticisme européen à l'égard d'une nation trop puissante pour son propre bien ? D'après ce qu'il a reproduit de ses conversations - lecture essentielle pour les photographies de ce livre - elles semblent confirmer tout ce que l'on pouvait déjà imaginer. Les Américains ont profondément peur, voire se méfient les uns des autres et ils sont armés. Comme Tocqueville l'avait compris il y a bien longtemps, les Américains sont prêts à se méfier - des autres Américains !
Mais si Hübner n'avait découvert que cela, il aurait mis fin à ses voyages bien plus tôt. Ce qui l'a poussé à continuer, c'est une autre chose qui a également émerveillé Tocqueville : l'ouverture et la générosité face à une personne totalement inconnue, l'étranger. -
AlltagsFantasie est une performance illustrée dans laquelle l'artiste utilise le médium photographique. Il s'agit d'une oeuvre impressionnante qui nous invite à reconsidérer nos idées sur l'identité, les rôles de genre et l'autodramatisation. Elle aiguise le regard que nous portons sur nos quêtes d'autonomie individuelle et collective, et ouvre la voie à un examen critique des structures et des normes de pouvoir existantes.
Une publication qui devient elle-même une oeuvre d'art : Une ode à l'autonomie sexuelle, une célébration de la sensualité féminine qui entreprend de remettre en question les structures patriarcales.
Au cours d'un long processus de création qui a débuté en 2010 et s'est poursuivi jusqu'en 2021, Joanna Szproch a mis en forme bien plus qu'un extrait décisif de sa biographie : elle s'est attachée à condenser les couches temporelles, mettre en scène les croyances et façonner une oeuvre d'art qui transcende les catégories conventionnelles. Le livre qui a émergé de ce processus complexe peut ainsi être considéré comme un autoportrait étendu, aux couches se démultipliant. Il reflète à la fois un moi profond et un moi qui émerge dans le contexte de relations sociales et culturelles. Parmi les différents mediums de l'autoportrait, la photographie occupe une place particulière. Dans notre monde marqué par l'usage intensif des selfies sur les réseaux sociaux, la simultanéité trompeuse des rôles devient aujourd'hui évidente. Il est possible d'être à la fois muse, modèle et créateur. Cependant, il reste impossible de porter un regard objectif sur sa propre personne, tant nous portons nous-mêmes nos masques. C'est précisément dans ces mondes intermédiaires du regard féminin et du regard masculin, ces frontières entre le soi et l'extérieur, que Joanna Szproch explore sa fantaisie quotidienne.
Plus qu'une pure et simple évasion : comment un fantasme devient une forme.
Chacun d'entre nous a le droit, la possibilité, de s'inventer dans son quotidien. Si une personne ne s'invente pas, elle sera de toute façon inventée. Il est donc sage d'avoir l'audace de s'inventer soi-même. Maya Angelou Six ans après l'explosion du mouvement #metoo, des militants des droits de l'homme pourtant influents continuent de suggérer que le viol n'est pas un crime contre les femmes elles-mêmes, mais un simple problème de respect de la propriété. Au milieu de l'inhumanité de ces débats, Joanna Szproch combat quotidiennement, par ses fantasmes, un système archaïque et dysfonctionnel. Il s'agit de livrer bataille contre une ignorance particulièrement tenace, et lutter encore et encore pour obtenir les nécessaires changements. -
TRANSANATOLIA est une pérégrination aux confins de l´Anatolie. Pendant 5 ans, Mathias Depardon photographie la nouvelle Turquie, jusqu´aux confins du Caucase. Des zones urbaines récemment installées dans l´ouest d´Istanbul, au Kurdistan turc où couve la révolution civile et sévit une véritable guerre de l´eau : il questionne la notion de périphéries et de frontières. Ces lieux reculés aident à comprendre les grandes mutations qui agitent la région. À travers des portraits, des paysages, Mathias Depardon sonde un pays tiraillé entre modernisation à tout crin et réminiscence ottomanes. Dans ce livre le photographe tente d´imager les frontières du coeur évoqué par le Président turc. Pour sonder « l´âme turque » et percevoir toute la complexité de sa construction identitaire, il faut se projeter à ses frontières et même au-delà. En Azerbaïdjan ou en Crimée, la Turquie reste la « mère patrie ». Elle rayonne, diffuse son « soft power » des Balkans à l´Asie, de la mer Noire à la mer Rouge.
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Cinq itinéraires de deux semaines chacun, documentant le parcours de migrants tentant d'entrer sur le territoire de la CEE dans cinq lieux périphériques ou limitrophes de l'Europe : Tanger et la côte ouest du Maroc, Turquie/ Bulgarie, Grèce/ Albanie, Lybie / Lampedusa, Slovaquie.
L'ouvrage documente par la photographie et la vidéo, cinq fragments d'itinéraires, cinq odyssées contemporaines, cinq parcours de migrants venus de points géographiques répartis en étoile autour de la ville de Marseille. Les lieux photographiés restent anonymes, non définis, non identifiables géographiquement : installations portuaires, aire d'autoroute, cales de bateau, routes, foyers, centres de rétention, camions, etc...
La tentative est d'appréhender certaines dimensions urbanistiques et humaines de la migration contemporaine vers Marseille, la France et l'Europe à travers des trajectoires et des histoires individuelles, qu'Antoine perçois comme autant d'Odyssées contemporaines.
«Antoine D'Agata est reparti. Enfin. Traqueur traqué, il aimerait tant qu'ils s'abandonnent à sa caméra, tous ces fugitifs, ces désespérés de l'Afrique subsaharienne, ces slaves, ces afghans, etc. Ils fuient, on le sait, la misère, mais aussi l'ennui et la bêtise. Ils se cachent. Les bois les abritent. Leur donner la parole, la tâche est rude. Les passeurs, les traducteurs, les fugitifs, chacun sauve sa peau et récuse la rencontre. Derrière l'appareil, on retrouve le photographe de Mala Noche, l'homme dans la mêlée de la Porte de David, le scrutateur précis d'un monde en mouvement.
De tout cela que nous restera-t-il ? De ces voyages autour de la Méditerranée, il nous livrera des images nouvelles, un récit halluciné, à n'en point douter, les marques d'un nouveau départ.
Jamais l'urgence d'un livre d'Antoine D'Agata ne s'est autant imposée.» François Cheval, directeur du Musée Nicéphore Niepce et commissaire de l'exposition au Mucem.
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Camp de Rivesaltes, lieu de souffrance
Flore, Denis Peschanski
- Andre Frere
- 16 Juin 2018
- 9791092265736
Les deux séries photographiques présentées dans ce livre, accompagnées d'un texte de l'historien Denis Peschanski, ont été réalisées sur une période de deux ans par l'artiste FLORE sur le Camp de Rivesaltes.
Loin du photo-reportage, ce travail engagé tente de laisser une trace sensible des événements passés dans ce camp souvent oublié de l'histoire.
FLORE utilise ici l'art comme instrument de mémoire, ce qui est sa manière de se positionner face au «faisceau de ténèbres qui provient de son temps», comme dit Giorgio Agamben.
Elle a écrit à propos de ce travail :
«J'ai embrassé toutes les peines, toutes les souffrances vécues dans ce camp et dans ces autres camps dont il ne reste presque pas de traces, sinon celles laissées dans les mémoires, et je les ai réunies dans mon coeur.
Ce livre est né de la nécessité de cet accordage, d'un glissement de l'émotion violente, quasiment physique, éprouvée lors de la découverte du lieu et qui charriait avec elle, comme un torrent, à travers moi, toutes les histoires entendues de toutes ces vies englouties, les enfants et les espoirs morts, les plaintes dans l'obscurité glacée, la liberté perdue, vers la maturité d'une peine pleinement assumée et exprimée grâce à l'art, si j'ose dire.
Cette nouvelle série de photographies n'est plus tant l'hommage vibrant ou la reconnaissance de la souffrance, du destin des victimes de ce camp-ci comme symbole de tous les camps, que le témoignage d'un être humain, enfant de la deuxième génération, inscrite dans son siècle, détentrice de son passé et attentive à notre présent, à notre avenir». Flore
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À travers ce projet, Alexis Pazoumian documente l'histoire de Sacha et de sa communauté d'éleveurs de rennes dont l'avenir est plus qu'incertain.
Aujourd'hui les éleveurs de rennes sont de moins en moins nombreux, l'isolement et les températures extrêmes rendent les conditions de travail extrêmement difficiles. La vie quotidienne de ces chasseurs change en raison du dérèglement climatique : temps imprévisible, températures plus élevées, 4°C au cours de ces 40 dernières années. Les éleveurs nomades ne connaissent pas ces chiffres mais sont les premiers à observer les changements environnementaux et l'augmentation de la température a des conséquences dramatiques sur leur vie et leurs animaux.
« La République de Sakha, également appelée Yakoutie est une république fédérale de Russie située dans le nord-est de la Sibérie.
La superficie de la Yakoutie est cinq fois plus importante que celle de la France pour une population d'un million d'habitants.
La capitale Iakoutsk est située à près de 5000 km à l'est de Moscou.
Entre 2017-2018 j'y ai passé plus de trois mois à documenter la vie des éleveurs de rennes situé dans la région d'Oymyakon à 1000km de la capitale. Cette région est considérée comme la plus froide du monde, les températures peuvent atteindre -70° en hiver.Les Evènes sont 19.000 en Yakoutie, ils ont leur propre langue. J'ai vécu plusieurs mois avec Sacha et sa brigade composée de 4 personnes. J'ai suivi leur quotidien et participé aux activités dont l'une consiste principalement à surveiller le troupeau de 1000 rennes. Il est le chef du campement, il passe 10 mois par an au milieu de la forêt ».
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En mars 1986, dans le quartier de la Bourgogne à Tourcoing, une dynamique s'est mise en route suite au cri de souffrance d'un jeune nommé Joao lors d'une rencontre de jeunes chômeurs en JOC (Jeunesse Ouvrière Croyante : musulmans et chrétiens) : « Il faut faire quelque chose contre la came, sinon ils vont tous crever dans ce quartier ! ».Dès son origine, REAGIR a développé une approche communautaire : ce temps permet la rencontre, le dialogue, l'écoute et la prise en charge collective de la problématique liée à l'usage de drogues.
Après la prison, c'est ce terrain que Sébastien Van Mallhegem à décidé d'explorer, il vient de passer une année avec les usagers et l'équipe de l'association, l'objectif étant de produire un ouvrage afin de sensibiliser un large public aux problèmes que rencontre toute une population aujourd'hui face aux addictions.
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Jane Evelyn Atwood
Christine Delory-Momberger
- Andre Frere
- Juste Entre Nous
- 8 Octobre 2015
- 9791092265262
Deux voix, deux personnes qui se rencontrent, qui s'entretiennent, qui se connaissent depuis longtemps. Jane Evelyn Atwood, photographe américaine et Christine Delory-Momberger, universitaire, auteur de nombreux entretiens avec des photographes, dont Antoine d'Agata.
La parole est à Jane Evelyn Atwood. Elle expose, elle raconte son parcours de photographe, l'engagement politique de sa photographie, sa relation aux gens et aux lieux qu'elle photographie, sa position de femme concernée. Elle ne va jamais «à chaud» sur ses terrains, elle s'intéresse à un sujet, le questionne avec son appareil, prend le temps de rencontrer les personnes, de laisser advenir des situations. Elle ne sait jamais combien de temps durera un travail, elle ne l'arrête que lorsqu'elle a l'impression d'avoir eu une réponse à sa question de départ et cela peut prendre des années.
Jane Evelyn Atwood parle de ses travaux où toujours il est question des exclus, de personnes en marge, de fragilité, de souffrance et sans doute aussi de destin. Arrivée des États-Unis en 1971, elle découvre pour elle la photographie et n'a eu de cesse d'y travailler. Des prostituées parisiennes de la rue des Lombards, des aveugles de Saint-Mandé, des victimes des mines antipersonnelles en Angola, des femmes emprisonnées, de Jean-Louis, premier malade du sida qui a voulu avec Jane Evelyn Atwood témoigner de sa fin de vie, de Haïti, avant et après le séisme.
Jane Evelyn Atwood est là où il lui semble qu'elle doit être, avec acuité, sensibilité, respect et intelligence.
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Le photographe bruxellois Sébastien Van Malleghem écume les prisons belges depuis trois ans. Dans Police, son précédent travail, il y avait de l'instinct, beaucoup, un truc d'écorché vif avec du noir très noir et du blanc très blanc. Sébastien Van Malleghem, 28 ans, suivait alors les flics belges dans leurs rondes de nuit. Deux ans après la publication de son premier livre, le jeune bruxellois revient avec Prisons et on s'attendait à quelque chose de plus noir encore. Mais plus eut été trop: «La prison, c'est assez noir comme ça, pas besoin d'en rajouter.», dit-il. La prison vous ramène a hauteur d'homme.
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Regla, qui signifie «règle» en espagnol, renvoie les Cubains à leur régime politique, mais aussi à leur patrimoine afro-cubain. Car la Regla de Ocha comme la Regla Abakuá désignent des sociétés secrètes et des croyances polythéistes venues d'Afrique. Regla est également le nom d'une petite ville portuaire de la commune de La Havane, considérée comme un centre majeur pour ces deux cultes.
Nicola Lo Calzo s'intéresse depuis 2010, avec son projet «Cham», aux diasporas africaines et aux mémoires postcoloniales, il a mené ses recherches à Cuba en 2015 et 2016.
Les images présentées ici sont le résultat de l'immersion dans des espaces marginaux, anciennement clandestins mais maintenant tolérés, et ce sont surtout ses images des abakuás qui impressionnent.
Toujours très crainte, cette société initiatique secrète masculine est née au début du XIXe siècle en périphérie de la capitale, où était concentrée la population noire, esclave ou libre. Sa tradition se rattache aux sociétés initiatiques Ekpe du Nigeria.Dans la culture populaire cubaine, la société secrète Abakuá est une des plus respectées et redoutées car elle est fondée sur une éthique stricte associée à la virilité. Dans ses temples, il existe également une forme de liberté et d'émancipation face au régime qui permet à la jeunesse de s'épanouir.
130 années après l'abolition de l'esclavage, ces espaces de liberté, basés sur des valeurs telles que la solidarité, le sacré, la mémoire, l'importance de l'individu et la liberté d'expression, sont les héritiers directs des formes de culture et de résistance développées par les Africains esclaves ou libres au cours de la période coloniale espagnole.
Le hip-hop, mouvement qui a été introduit des États-Unis dans les années 1990 joue également un rôle important en créant un espace de liberté et d'anti-pouvoir pour les nouvelles générations. Regla montre comment les rappeurs revendiquent une identité et une culture noires et font remonter à la surface l'histoire d'un passé d'esclave.