Nouvelle édition revue et augmentée.
Raconter le Monde, ma part misérable et infime du Monde, la part qui me revient, l'écrire et la mettre en scène, en construire à peine, une fois encore, l'éclair, la dureté, en dire avec lucidité l'évidence. Montrer sur le théâtre la force exacte qui nous saisit parfois, cela, exactement cela, les hommes et les femmes tels qu'ils sont, la beauté et l'horreur de leurs échanges et la mélancolie aussitôt qui les prend lorsque cette beauté et cette horreur se perdent, s'enfuient et cherchent à se détruire elles-mêmes, effrayées de leurs propres démons. Dire aux autres, s'avancer dans la lumière et redire aux autres, une fois encore, la grâce suspendue de la rencontre, l'arrêt entre deux êtres, l'instant exact de l'amour, la douceur infinie de l'apaisement, tenter de dire à voix basse la pureté parfaite de la Mort à l'oeuvre, le refus de la peur, et le hurlement pourtant, soudain, de la haine, le cri, notre panique et notre détresse d'enfant, et se cacher la tête entre les mains, et la lassitude des corps après le désir, la fatigue après la souffrance et l'épuisment après la terreur.
Ce volume est composé d'articles et d'éditoriaux commandés à Jean-Luc Lagarce par les théâtres et des revues. Il est établi d'après l'ordre chronologique d'écriture des textes. La présente édition intègre les exergues aux éditoriaux écrits pour le Théâtre Granit tels qu'ils apparaissent dans le contexte original.
La fécondité véritable d'Artaud est celle d'un discours qui porte en lui la force d'une pensée sur le théâtre visant à briser les frontières de ce qui est. Comme le rappelait Grotowski : « Artaud est un poète du théâtre, c'est-à-dire un poète des possibilités ».
C'est cette ouverture des possibles qu'il faut chercher dans les textes d'Artaud, en n'oubliant pas de se rappeler sa vision de la force des mots, habités par une énergie capable de rejoindre la force des gestes. De cette fusion de moyens d'expression chargés de force naîtra, pour le théâtre, un pouvoir d'efficacité comparable à une authentique action magique. Une efficacité capable d'atteindre le spectateur dans son esprit mais aussi dans son corps. Peut-être pourrait-il en être ainsi pour certains lecteurs ...
La beauté mais aussi la difficulté des textes d'Artaud vient aussi de l'importance de leur dimension poétique, de l'énergie d'une parole qui s'avance par métaphores et se charge de visions. Mais de visions dessinant pour le théâtre un horizon limite vers lequel se diriger, traçant ainsi un chemin vers la quête de réponses concrètes. En effet la pensée du théâtre qu'il propose n'en porte pas moins en elle, dans sa radicalité, l'ouverture aux enjeux concrets de la mise en scène dans son travail sur le langage, sur l'espace, sur le jeu de l'acteur, sur la relation au spectateur. Artaud n'ignore rien de la matérialité scénique, mais il la charge d'une signification qui doit dépasser cette simple matérialité.
Les textes d'Artaud tracent le chemin vers un modèle rituel que les grandes expériences des années soixante ( Brook, Grotowski, le Living theatre, Barba) se sont réapproprié et qui habite encore certaines expériences contemporaines comme celle de Romeo Castellucci.
Dans les années trente, à Paris, Madeleine Verdier, jeune et jolie actrice sans le sou et sans talent, est accusée du meurtre d'un producteur célèbre. Aidée de sa meilleure amie, Pauline, jeune avocate au chômage, elle est acquittée pour légitime défense.
Commence alors une nouvelle vie, faite de gloire et de succès, jusqu'à ce que la vérité éclate au grand jour.
Certains ont eu des lieux de méditation, des rituels, des mythes, comme formes et espaces de recueillement. Nous pouvons peut-être avoir des lieux de théâtre. Des lieux où même si les quêtes aujourd'hui paraissent absurdes, vides, parce qu'on a perdu l'origine des mondes, on entend toujours un appel, sans savoir d'où.
Ce volume rassemble l'ensemble des textes de Claude Régy publiés entre 1991 et 2011 : « Espaces perdus », « L'Ordre des morts », « L'Etat d'incertitude », « Au-delà des larmes » et « La Brûlure du monde ».
Dans le cadre du Festival d'Automne de Paris 2016, Claude Régy met en scène Rêve et folie de Georg Trakl au théâtre Nanterre-Amandiers, du 15 septembre au 21 octobre.
J'écris principalement mon Journal dans les cafés. Je pars marcher et j'emporte mon cahier glissé sur le devant‚ sous le pull ou retenu par la ceinture du pantalon ou encore dans un sac. Il m'arrive de l'écrire très tard dans la nuit‚ jusque dans mon lit. Et je peux noter de petits événements avec plusieurs jours de retard‚ voire une semaine ou deux.
Ce premier volume, qui commence avec l'entrée en théâtre de Jean-Luc Lagarce, s'achève sur son séjour à Berlin en 1990. Il présente les quinze premiers cahiers de son journal qui en compte vingt-trois. Les cahiers I à IX ont été résumés par Jean-Luc Lagarce sous le titre Itinéraire.
Je n'ai jamais interrompu mon Journal‚ j'y ai consacré machinalement beaucoup plus de temps encore‚ j'allais m'asseoir dans les cafés et je tenais mon petit registre et pour ne pas me noyer définitivement‚ j'ai tenté aussi de mettre au propre les cahiers précédents. Chaque jour‚ j'ai recopié calmement les années précédentes. Peut-être les choses reviendront-elles sans trop de violence, on se dit cela, je ne sais pas. On peut écrire sans écrire‚ tricher‚ mais aussi rester là en silence‚ inutile ou impuissant. Quelque texte essentiel se construit dans la tête sans plus aucun désir de le voir sur le papier‚ sans plus aucune force de le donner‚ ne serait-ce qu'à soi-même.
Ce second volume, qui débute lors du séjour à Berlin de Jean-Luc Lagarce en 1990, présente les derniers cahiers, XVI à XXIII, de son journal.
À travers cet essai, Thibault Fayner retrace la naissance de l'enseignement de l'écriture théâtrale en France et explore les méthodes que chaque écrivain-pédagogue invente pour faire écrire autrui. S'appuyant sur l'analyse des enseignements et des discours des dramaturges, il étudie les différentes manières de conduire l'apprenti écrivain sur les sentiers de la création littéraire et interroge les implications esthétiques des pédagogies. Cet ouvrage nous invite également à réfléchir à une définition contemporaine de l'écriture théâtrale et, de manière plus générale, nous ouvre à de nouvelles perspectives sur les enjeux actuels du monde de la scène.
L'histoire socio-politique des pays du sud de l'Ame´rique latine s'est caracte´rise´e, depuis le milieu du XXe sie`cle, par une se´rie de cycles de re´volutions et de contre-re´volutions. Trois pays, l'Argentine, le Bre´sil et le Chili, ont en commun d'avoir e´te´ successivement marque´s par les effervescences re´volutionnaires des anne´es 1960 puis par leur re´pression par une se´rie de coups d'E´tat soutenus et la mise en place de dictatures militaires.
Pre`s de quarante ans plus tard, nombreux sont les fanto^mes de ces re´gimes, et le pre´sent politique des pays concerne´s ne cesse de convoquer les questions que les politiques transitionnelles ont laisse´es irre´solues.
Quelles pratiques du the´a^tre ont e´te´ possibles sous les dictatures ? Selon quelles strate´gies esthe´tiques mais aussi e´conomiques vis-a`-vis des re´gimes en place ont-elles pu rester en vie ? L'apre`s dictature inclut pour sa part deux temps distincts. Quelles reconfigurations ou re´inventions des pratiques artistiques se sont ope´re´es durant ces anne´es, dans des contextes e´conomiques et politiques autant marque´s par des e´le´ments de rupture que par des « restes » des re´gimes autoritaires ?
Les traces de ce passe´ politique, institutionnel, social, e´conomique et culturel dans les pratiques the´a^trales qui se sont de´veloppe´es a` partir des anne´es 2000 sont manifestes. Depuis les de´bats sur la transmission des me´moires des dictatures et leur restitution jusqu'aux discours critiques de´nonc¸ant les continuite´s e´conomiques entre les re´gimes autoritaires et les de´mocraties ne´olibe´rales actuelles, la question de l'he´ritage des dictatures du co^ne sud est centrale dans nombre de cre´ations re´centes des the´a^tres de cet espace.
Aucune recherche d'ensemble n'avait e´te´ jusqu'ici mene´e pour investiguer cet espace-temps singulier dans une approche soucieuse d'articuler les enjeux esthe´tiques, institutionnels et e´conomiques. C'est l'enjeu de cette publication qui re´unit les contributions de chercheurs et chercheuses qui travaillent sur ces questions depuis des perspectives disciplinaires diverses (e´tudes the´a^trales, e´tudes hispaniques, e´tudes lusophones, sociologie, e´conomie), et fait dialoguer ces recherches avec des te´moignages d'artistes des pays concerne´s.
I. Actes de résistance contre la mort.
Et les poissons partirent combattre les hommes.
Mais comme elle ne pourrissait pas... Blanche-Neige.
L'Année de Richard.
II. Tétralogie du sang.
Je ne suis pas jolie.
Anfægtelse.
Je te rendrai invincible par ma défaite.
La Maison de la force.
III. Le centre du monde.
« Maudit soit l'homme qui se confie en l'homme » : un projet d'alphabétisation.
Ping Pang Qiu : ???.
Tout le ciel au-dessus de la terre (le syndrome de Wendy).
IV. Le cycle des résurrections.
Première épître de saint Paul aux Corinthiens.
You are my destiny (Le viol de Lucrèce).
Tandy.
V. Journal.
La Fiancée du fossoyeur.
Le premier souvenir que j'ai de ma mère, c'est quand j'avais quatre ou cinq ans. Elle nous appelle, mes deux frères et moi, pour le dîner en disant : « Les garçons et Guillaume, à table ! » et la dernière fois que je lui ai parlé au téléphone il y a deux jours, elle raccroche en me disant: « Je t'embrasse ma chérie »; eh bien disons qu'entre ces deux phrases, il y a quelques malentendus.
Quelle mouche me pique, après tant d'années d'exercice légal de la médecine critique, de vouloir porter par écrit un diagnostic hasardeux sur une activité d'aussi peu de valeur fiduciaire ? C'est que j'aurais l'impression, n'écrivant pas ce livre, d'éviter un bilan et de compter pour rien toute une existence d'activité pratique, dans un domaine dont la validité concrète apparaît malaisément mesurable, pour ne pas dire impossible. Le temps est venu d'un peu sérieusement me pencher sur l'espèce de forcerie que constitue cette accumulation de spectacles, saison après saison, sur quelque cinquante ans et qui ont donné lieu à une accumulation de « papiers » en un domaine dont la nécessité sociale s'avère de plus en plus aléatoire.
Jean-Marie Hordé a dirigé le théâtre de la Basti lle pendant trente-deux ans. Au moment de quitt er ce théâtre, il évoque les problémati ques que rencontre un directeur non seulement dans ses choix arti sti ques, mais aussi dans la gesti on d'un théâtre et ses enjeux fi nanciers ; il évoque également ses interrogati ons sur le rapport au public.
Il se demande : « Qu'ai-je vu, qu'ai-je vécu qui me transforma ? En quoi le théâtre laissa-t-il sa marque sur mon rapport au monde, sur ma relati on sensible aux autres, sur mes aff ecti ons ? Comment a-t-il éclairé mes criti ques ou nourri mes angoisses ? » Ce livre fait le point.
J'aimerais me concentrer sur le courant qui mène du théâtre zéro, à travers le happening et le théâtre impossible, vers le théâtre de la mort. Chacune de ces étapes est importante. Et si je revendique les valeurs que j'ai découvertes, je me garde de traiter ce fait en mégalomane et de considérer que je suis seul à avoir montré la voie car c'est quelque chose qui, dans l'art, ne se produit pas. Découvrir ! - cela se passe comme dans la science.
Ce volume se propose de constituer une introduction à la vie et à l'oeuvre de l'auteur à travers les mots mêmes de celui qui aura durablement marqué l'art de son siècle.
Enfant de la province (Franche-Comté), fils d'ouvriers (usines Peugeot), Jean-Luc Lagarce voulut très tôt faire du théâtre. Avec quelques amis rencontrés au Conservatoire de Besançon, il fonde une jeune compagnie amateure, La Roulotte, qui deviendra professionnelle.
C'est pour elle qu'il écrit ses premières pièces, met en scène, adapte, joue parfois et commence la rédaction d'un Journal qu'il tiendra jusqu'à la fin de sa vie, à 38 ans, mort du sida le 30 septembre 1995.
Grand lecteur de romans, de journaux, dévoreur de films, son théâtre se nourrit de tout cela, mais d'abord de sa famille, de ses amis, de ses amants, mais encore de la vie théâtrale d'hier et d'aujourd'hui. La maladie, l'adieu avant la mort, le retour hantent son oeuvre de plus en plus fulgurante quand l'échéance approche, cependant si le sida habite son corps, le mot n'apparaît dans aucune de ses pièces. Reconnu de son vivant comme metteur en scène, il ne le sera pleinement comme auteur qu'après sa mort ou la scène révélera des chefs-d'oeuvre dont le plus connu Juste la fin du monde. Jean-Luc Lagarce est aujourd'hui un auteur culte, l'un des premiers auteurs contemporains français joués de par le monde et traduit en trente langues.
Les premiers manifestes qui accompagnent les oeuvres montées et présentées clandestinement dans les appartements sous l'occupation nazie, se poursuivent par des réflexions et des essais théoriques rejetant la doctrine imposée du réalisme socialiste. Après le refuge dans l'espace métaphorique, c'est la création du Groupe de Cracovie et de l'ensemble Cricot 2 en 1955 qui lui permettent d'approfondir ses recherches sur l'art et le théâtre. Les happenings, les Cricotages et les expositions se développent, interférant avec l'oeuvre théâtrale et toujours associés à d'importants manifestes jusqu'à la création de La Classe morte qui inaugure le cycle du Théâtre de la Mort.
La Récolte est une revue annuelle née en 2019 de l'envie de comités de lecture permanents de créer un outi l collecti f au service de la promoti on et de la diff usion des écritures théâtrales d'aujourd'hui.
Chaque année, La Récolte présente huit oeuvres récentes, inédites à l'éditi on, en larges extraits. Ces pièces sont intégrées dans un cahier criti que et iconographique qui permet d'entrer plus intensément dans la démarche des auteurs et des autrices.
Chaque numéro est également l'occasion d'une réfl exion sur l'écriture théâtrale, portée par des auteurs et des autrices à l'écriture reconnue plus largement.
Elle s'adresse à un public curieux de découvrir les écritures d'aujourd'hui, par-delà les cercles de connaissance et d'experti se.
Correspondances entre Laure Adler et Pascal Rambert et entretiens avec Stanislas Nordey, Arthur Nauzyciel et Caroline Guiela Nguyen.
Depuis longtemps il fait tout : l'auteur, le metteur en scène, le réalisateur, l'acteur, le chorégraphe, le danseur, le directeur de théâtre. Prétend-il pour autant savoir tout faire ? Non. Il fait des incursions, il allume des feux, il campe, il décampe. Le voyage c'est son mode naturel d'existence. Son territoire c'est les mots. Son obsession le rythme. La langue avec tous ses accidents. Le souffle, la précipitation, la colère, l'envie. Quand la langue s'empare du corps et met la vie en danger. Il écrit pour des personnes il n'écrit pas de rôles. Quitte à ce que ça soit raté. D'ailleurs il préfère l'accidenté au lisse, dans les voix, dans les dialogues, dans les enjeux.
Parages, revue de réflexion et de création consacrée aux écritures contemporaines, propose un numéro spécial sur Marie NDiaye.
Inédits, textes d'auteur·rice·s, paroles d'artistes de théâtre, points de vue de chercheur·euse·s composeront l'ensemble des contributions.
C'est à la croisée de ces différents regards que l'oeuvre dramatique de Marie NDiaye, travaillée par la tonalité du conte et le registre du fantastique, rythmée et emportée par une langue ample et sophistiquée, et traversée par les thèmes de la domination et de la « dévoration », sera éprouvée et réfléchie.
Metteur en scène, Jean-Luc Lagarce rédigeait des notes d'intention pour présenter ses projets de mises en scène. Au-delà de leur aspect utilitaire, ces textes sont non seulement une vision dramaturgique du spectacle qu'il envisageait mais aussi une vision du monde, de son monde, que son écriture nous transmet comme un écho à ses propres pièces.
Tous ces textes réunis dans le présent volume ont été écrits bien avant leur réalisation, parfois des années auparavant et certains resteront lettres mortes auprès de potentiels producteurs.
Ils sont le témoin de l'histoire d'un désir de la scène mais aussi l'affirmation d'une écriture qui, au fil des années, peut paraître s'éloigner de son objet (décrire le projet) mais qui nous transmet, encore aujourd'hui, une pensée théâtrale originale sur laquelle le temps n'a pas de prise.
Ces textes sont précédés d'un entretien inédit, réalisé par Jean-Michel Potiron, dans lequel Jean-Luc Lagarce évoque son travail de mise en scène et notamment la place essentielle de la dramaturgie et de la langue.
Les stades de football sont de formidables laboratoires politiques et poétiques. On y côtoie le pire et le meilleur. Le stade est le dernier endroit de mixité sociale, le dernier espace où pendant 90 minutes vont se côtoyer classes laborieuses et bourgeoisie.
Même l'école a perdu cette vocation. Stadium essaye de comprendre comment cette passion structure des vies entières à l'échelle d'un territoire.
Mohamed El Khatib réunit plus de 50 supporters du Racing Club de Lens pour une expérience esthétique inédite. Du plus intime au plus politique, cette performance documentaire met un coup de pied dans la ruche à poncifs sur le monde du football et dresse une carte anthropologique de l'agora du stade.
Ce livre contient tous les livres, il s'écrit au-dedans et au-dehors, telle une prophétie. C'est le livre des vaincus, des hommes seuls, c'est le livre de tous les morts, de tous les malades et de tous les hélas, hélas de la vie, hélas de l'amour, hélas de la folie, hélas de la mort, une longue plainte qui nous mène à la quête de nouvelles entrailles, entrailles père, entrailles mère, entrailles bien-aimé. Ce n'est pas qu'un requiem, c'est une déflagration de la culpabilité et un besoin d'expiation à travers la beauté. C'est la conscience et l'inconscient qui s'affrontent dans le magma de la folie. L'obscure mémoire de la démence, le voilà le sacré. Le stigmate secret des aliénés réaffirme la persistance de la tragédie, la prédilection de la nature humaine pour la fureur et la rage, le besoin des dieux et de leur colère. Des cercles mystérieux, inextinguibles, dont aucun asile ne viendra à bout, aussi longtemps que la société, l'ordre et les laisses existeront. Prohibition et désobéissance sont liées, nous sommes excommuniés par la société, mis au ban du respect, et sous notre désordre lunatique coule le fleuve de l'angoisse. Nous sommes frénétiques. Nous invoquons la Déraison et nous signons au coeur du bestiaire.
Je viens de brûler mes parents, un corps puis l'autre à trois mois d'écart. Je ne veux pas me souvenir d'eux vivants. Je veux être accompagnée par leurs corps sans vie, leurs visages comme sculptés dans le marbre tels des masques du Non-sens et de la Déraison, leur repos enfin, ce mystère glaciaire, et l'immense douleur que j'ai ressentie en touchant la chair déjà froide. Je veux conserver l'image de leurs cadavres comme un médaillon en or dans ma mémoire, pour qu'elle me fasse pleurer toujours et ainsi avoir toujours à l'intérieur de moi l'image manquante, l'irreprésentable : l'image qui nous manquera toujours. Chaque jour je m'efforce d'oublier leurs vies, qui sont la mienne, je ne veux avoir d'autre souvenir que leurs morts, leurs morts qui ont ramené à moi le géant de la pitié. À ma droite mon père mort, à ma gauche ma mère morte. L'amour tout en haut, sphérique et doré. Je t'aime, mon père. Ma mère, je t'aime.
Angélica Liddel
Cet essai est une tentative de description des grandes mutations qui affectent la scène contemporaine depuis les années 1990. Il ne prétend pas faire le tour des textes et des poètes qui écrivent aujourd'hui pour la scène. Il se limite à décrire un certain type d'écriture, celle qui part du plateau, sous toutes ses formes, textuelle, visuelle, plastique, sonore. De nombreux artisans du plateau cherchent et inventent aujourd'hui de nouvelles relations à l'écriture. Leur enjeu n'est plus d'opposer texte et spectacle, pièce et mise en scène. Ce livre tente de saisir comment les artistes d'aujourd'hui, en ce début de XXIe siècle, rebattent les cartes de la création, et par l'écriture du plateau, déconstruisent les catégories du siècle précédent.
Jean-Luc Lagarce est un écrivain de théâtre, on le sait. Ce que l'on sait moins, c'est que l'écrivain Jean-Luc Lagarce a commencé son chemin d'écriture en étudiant la philosophie.
Il s'agit pour lui de lire l'histoire du théâtre en Occident depuis sa formation grecque jusqu'aux dramaturgies contemporaines de l'après-guerre. Cette lecture est guidée par une intuition ancienne : comment les formes de théâtre négocient-elles avec l'expression du pouvoir politique ? Et qui préside aux règles de cette négociation ? Ceux qui créent le théâtre de la cité ou ceux qui dirigent la cité du théâtre ? Comment évoluent ces rapports incertains du théâtre et du pouvoir, au fil des siècles ? Lagarce reprend point par point ces questions. Dans une langue fine et critique, il nous emmène loin des poncifs mensongers des communicants de la scène institutionnelle à propos du lien naturel entre « l'art et la cité ».
En lisant Théâtre et Pouvoir en Occident, on retrouve aussi sur le mode théorique, le programme qui appelle les marques futures de son écriture dramatique. Il cherche à poser la nécessité des questions qu'il va instruire dans son écriture théâtrale.
Bruno Tackels
Depuis 2003, le département d'écriture dramatique de l'Ensatt (École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre) accueille de jeunes artistes écrivant pour le théâtre. Trois années durant, leurs ouvrages en cours d'écriture bénéficient d'un accompagnement collectif critique. Le présent ouvrage dresse le tableau d'une « utopie concrète » au sein d'une école d'art : comment concilier ambitions pédagogiques et émancipation artistique, enseignement et absence de formatage, travail collectif et singularités ?