Le fils retourne dans sa famille pour l'informer de sa mort prochaine. Ce sont les retrouvailles avec le cercle familial où l'on se dit l'amour que l'on se porte à travers les éternelles querelles. De cette visite qu'il voulait définitive, le fils repartira sans avoir rien dit.
Ce n'est pas bien ou mal‚ ou rassurant encore. Ce n'est pas vrai‚ c'est ainsi‚ ce n'est pas vrai‚ on imagine et on s'arrange avec ce qu'on imagine‚ mais ce n'est pas vrai.
Je ne sais pas‚ je ne crois pas‚ je ne mourrai pas de chagrin‚ je ne m'imagine déjà plus‚ il ne me semble pas‚ je ne m'imagine déjà plus mourir de chagrin.
Pourquoi est-ce que je mentirais ?
On voulait la tragédie‚ la belle famille tragique mais nous n'aurons pas cela‚ juste la mort d'un garçon dans une maison de filles.
Tu peux sourire‚ rien d'autre.
Ce texte fut le premier à participer à la reconnaissance de Jean-Luc Lagarce après sa disparition, tant sur la scène francophone que sur la scène internationale comme en témoignent plus d'une trentaine de traductions à travers le monde. En 2018, la Comédie-Française donne une nouvelle mise en scène de cette pièce qui, portée par un choeur de cinq femmes, fait écho à Juste la fin du monde.
On n'entend pas le pas d'un homme qui va à son travail et quand un homme court vers ce qu'il aime c'est son souffle qu'on entend mais quand la foule des guerriers se met en chemin c'est son pas d'abord qu'on entend son pas qui martèle oui les coups du marteau sur la terre le pas qui frappe et qui dit je suis là je suis partout Stabat Mater Furiosa, cri solitaire d'une femme qui se révolte contre la guerre et la violence, fut montée pour la première fois en 1999 par Christian Schiaretti. Depuis plus de soixante mises en scène ont été réalisées en France. Cette pièce d'un poète venu au théâtre a été traduite en sept langues et jouée dans quatorze pays.
L'histoire sans histoire d'un homme dans la France de ces vingt dernières années, les rencontres, la famille, les amis, les amours rencontrées et vécues, le travail et les aventures. Le roman.
On regarde, on imagine ce que sera sa vie, on croit la voir devant soi, et peu à peu, la vivant, on se retourne lentement sur soi-même, on observe le chemin parcouru, l'éloignement lent et certain qui nous mena là où nous sommes, aujourd'hui, du pays lointain d'où nous sommes partis.
C'est le récit de l'échec, le récit de ce qu'on voulut être et qu'on ne fut pas, le récit de ce qu'on vit nous échapper. Et la douleur, oui. La douleur, mais encore, peut-être la sérénité de l'apaisement, le regard paisible porté sur soi-même.
Je disais l'amour de ma vie et je te regardais / je te regarde et je pense je ne te reconnais plus / ton corps je le connais / les attaches les os tout ça je connais / mais dessous il y a quoi / dessous sous l'enveloppe il y a quoi ? / une sorte de nouveau toi et moi qui n'a rien à voir rien à voir je suis désolé / Un couple clôture son amour en deux monologues qui vont au bout de leur pensée, deux longues phrases qui ne sauraient s'interrompre, manière de solder les vieux comptes et marquer dans une langue poussée à bloc le territoire des corps.
Clôture de l'amour, écrit pour les acteurs Audrey Bonnet et Stanislas Nordey, a été créé lors du Festival d'Avignon 2011 dans une mise en scène de l'auteur et a reçu un accueil enthousiaste auprès du public et de la critique. La pièce obtient, en 2012, le Prix de la Meilleure création d'une pièce en langue française du Syndicat de la critique et le Grand Prix de Littérature dramatique du Centre national du Théâtre. En 2013, le Prix de l'Auteur sera décerné à Pascal Rambert et celui de la Comédienne à Audrey Bonnet lors du premier Palmarès du théâtre.
Traduit en dix-huit langues et joué dans une vingtaine de pays ce texte peut désormais être considéré comme un incontournable du théâtre français de ce début du XXIe siècle.
Nouvelle édition revue et augmentée.
Raconter le Monde, ma part misérable et infime du Monde, la part qui me revient, l'écrire et la mettre en scène, en construire à peine, une fois encore, l'éclair, la dureté, en dire avec lucidité l'évidence. Montrer sur le théâtre la force exacte qui nous saisit parfois, cela, exactement cela, les hommes et les femmes tels qu'ils sont, la beauté et l'horreur de leurs échanges et la mélancolie aussitôt qui les prend lorsque cette beauté et cette horreur se perdent, s'enfuient et cherchent à se détruire elles-mêmes, effrayées de leurs propres démons. Dire aux autres, s'avancer dans la lumière et redire aux autres, une fois encore, la grâce suspendue de la rencontre, l'arrêt entre deux êtres, l'instant exact de l'amour, la douceur infinie de l'apaisement, tenter de dire à voix basse la pureté parfaite de la Mort à l'oeuvre, le refus de la peur, et le hurlement pourtant, soudain, de la haine, le cri, notre panique et notre détresse d'enfant, et se cacher la tête entre les mains, et la lassitude des corps après le désir, la fatigue après la souffrance et l'épuisment après la terreur.
Ce volume est composé d'articles et d'éditoriaux commandés à Jean-Luc Lagarce par les théâtres et des revues. Il est établi d'après l'ordre chronologique d'écriture des textes. La présente édition intègre les exergues aux éditoriaux écrits pour le Théâtre Granit tels qu'ils apparaissent dans le contexte original.
J'aurais préféré ne rien voir. Je me souvenais suffisamment. Et rester là, comme une cousine pauvre...
Ce que je voudrais que vous sachiez : je craignais de gêner par ma présence, vous ne m'avez jamais beaucoup aimée, Hélène et vous ; et lui, près de vous, il m'aime moins, je préfère ne pas le constater. Un peu exclue par avance, inopportune, là à m'extasier sans fin sur le jardin, l'air de la campagne -je ne vous ai pas dit ? Je n'aime pas beaucoup la campagne et nous ne souhaitons pas prendre votre place ; venir s'y reposer, le barbecue, la tondeuse à gazon pour l'herbe haute, nous ne sommes pas fatigués...
La fécondité véritable d'Artaud est celle d'un discours qui porte en lui la force d'une pensée sur le théâtre visant à briser les frontières de ce qui est. Comme le rappelait Grotowski : « Artaud est un poète du théâtre, c'est-à-dire un poète des possibilités ».
C'est cette ouverture des possibles qu'il faut chercher dans les textes d'Artaud, en n'oubliant pas de se rappeler sa vision de la force des mots, habités par une énergie capable de rejoindre la force des gestes. De cette fusion de moyens d'expression chargés de force naîtra, pour le théâtre, un pouvoir d'efficacité comparable à une authentique action magique. Une efficacité capable d'atteindre le spectateur dans son esprit mais aussi dans son corps. Peut-être pourrait-il en être ainsi pour certains lecteurs ...
La beauté mais aussi la difficulté des textes d'Artaud vient aussi de l'importance de leur dimension poétique, de l'énergie d'une parole qui s'avance par métaphores et se charge de visions. Mais de visions dessinant pour le théâtre un horizon limite vers lequel se diriger, traçant ainsi un chemin vers la quête de réponses concrètes. En effet la pensée du théâtre qu'il propose n'en porte pas moins en elle, dans sa radicalité, l'ouverture aux enjeux concrets de la mise en scène dans son travail sur le langage, sur l'espace, sur le jeu de l'acteur, sur la relation au spectateur. Artaud n'ignore rien de la matérialité scénique, mais il la charge d'une signification qui doit dépasser cette simple matérialité.
Les textes d'Artaud tracent le chemin vers un modèle rituel que les grandes expériences des années soixante ( Brook, Grotowski, le Living theatre, Barba) se sont réapproprié et qui habite encore certaines expériences contemporaines comme celle de Romeo Castellucci.
Oui ça va mal oui les temps sont critiques et de tous les malheurs qui grognent à nos mollets de tous les abandons qui nous vident le coeur de toutes les défaites qui nous brisent la nuque l'enfermement où dans ces heures poisseuses on tient désormais la langue notre langue la langue commune la langue partagée populaire celle-là l'improbable la sauvage et la douce qui dit la bonté de l'instant et la chiennerie des jours cet enfermement-là qui n'apparaît pas qu'on ne sent pas qui ne s'avoue pas.
De Catherine Deneuve à Marilyn Monroe en passant par Romy Schneider et Delphine Seyrig, Des femmes qui nagent est un portrait kaléidoscopique d'actrices et de réalisatrices, dont certaines, pionnières, ont été oubliées. À travers cet hommage sororal, Pauline Peyrade nous renvoie le reflet de femmes puissantes et multiples, créatrices de leur vie autant que de leur art.
« Au début du geste, il y avait une actrice, il y avait Marilyn. Il y avait sa voix, ses sourires, ses haussements d'épaules. Il y avait l'irrésisti ble, le mystère, les médicaments, la disparition. Il y avait la fascination, une tentative de mettre en mots l'insaisissable, de capturer la belle sur la page.
Puis sont apparues Romy, Karidja, Brigitte, Anonyme 1, Mouna, Anonyme 2, Delphine, Adèle, Danielle, Catherine, Isabelle, Patricia, Maggie, Aïssa, et d'autres qui patientent encore aux portes de l'écriture comme dans les salles d'attente des auditions, des concours, des agences. Elles surgissent par associations, par fractures, pour brosser par touches un portrait pluriel, un parcours diffracté qui raconte les actrices et interroge leurs places dans nos imaginaires et dans nos fictions. » Pauline Peyrade
Mon absente plonge le spectateur au coeur d'un lieu clos, calme et profond, en marge de la vie qui court et oublie ce qui la fait courir. Une communauté d'endeuillés, famille et amis mélangés, se retrouve au chevet d'une femme qui n'est plus là. Et les souvenirs affluent. Et les langues et les larmes se délient. Un portrait diffracté se détache du vide laissé.
Née d'une commande pour les acteurs et actrices associés du TNS, Mon absente a pris sa source dans la béance du décès de Véronique Nordey.
Mais le projet s'est petit à petit transformé et c'est une figure fictionnelle qui tient désormais lieu d'absente et de lien entre les personnages en jeu.
À la distribution initiale, s'est ajouté un nouveau cortège, quelques élèves fraîchement sortis du TNS et présents sur Mont Vérité ainsi qu'Aristide Tarnagda. Ils sont maintenant 11 présents, hommes et femmes de diverses origines et générations, à confronter la verticalité de leur corps et la chaleur de leur souffle à l'épreuve de la disparition, au mystère de la mort. À la déflagration de la perte. Réunis par le deuil, ils gravitent en satellites autour d'un cercueil jonché de fleurs, point fixe autour duquel s'organise leur ballet d'entrées et de sorties. Dans ce décor de douleur et de recueillement, la parole maintient en vie, fait tenir, ensemble, pour le meilleur et pour le pire, les vivants. (P. R.)
Naître, ce n'est pas compliqué. Mourir, c'est très facile. Vivre, entre ces deux événements, ce n'est pas nécessairement impossible. Il n'est question que de suivre les règles et d'appliquer les principes pour s'en accommoder, il suffit de savoir qu'en toutes circonstances, il existe une solution, un moyen de réagir et de se comporter, une explication aux problèmes, car la vie n'est qu'une longue suite d'infimes problèmes, qui, chacun, appelle et doit connaître une réponse.
Appuyé sur le livre des convenances, des usages et des bonnes manières, faisant toujours référence, sans jamais rien laisser passer de sa propre nature intime, cette bête incontrôlable qui ne laisse parler que son coeur, c'est bien risible, faisant toujours référence et ne voulant pas en démordre, à la bienséance, l'étiquette, les recommandations, le bon assortiment des objets et des personnes, le ton et l'ordre, on se tiendra toujours bien, on sera comme il faut, on ne risquera rien, on n'aura jamais peur.
Si l'on en croit la baronne, tout est simple sur terre, pour peu que l'on respecte les règles d'un savoir-vivre, où de la naissance à la mort, rien n'échappe aux canons du bon goût officiel.
Le Monde Un implacable et fort drôle manuel de sauvetage, sinon de survie, au fil des rites qui régissent la vie, de la naissance à la mort.
Le Nouvel Observateur Lagarce passe insensiblement de la chambre nuptiale à la chambre mortuaire et, partant, raconte l'histoire d'une vie réglée comme du papier à musique et qui, sous la partition tatillonne, pousse par mégarde les pions de sa mélodie.
Libération.
De quoi peut-on hériter quand il n'y a comme patrimoine rien d'autre que des vies détruites ? Comment sauver sa peau sans avoir le sentiment de trahir les siens ? Dans un cinéma qui semble abandonné, la grand-mère de Christophe Honoré, Mémé Kiki, retrouve certain·e·s de ses dix enfants. Il y a aussi le père Puig, son second mari, banni pourtant depuis des années. Ils et elles sont réuni·e·s parce qu'un de leurs petits-enfants, celui qui fait du cinéma, celui qui ne vit plus dans le même monde qu'eux et elles, a quelque chose à leur dire. Il a imaginé un film pour raconter leur histoire commune - un film que le cinéaste avait en effet écrit mais qu'il ne s'est jamais résolu à tourner.
Le film imaginaire est l'occasion d'une dernière réunion de famille réunissant les vivant·e·s et les mort·e·s. Christophe Honoré compose le récit de leur histoire commune à travers leurs dialogues contradictoires. Les personnages de sa famille sont incarné·e·s par des acteurs·rices, et des séquences filmées reconstituent ses souvenirs. Ainsi s'esquisse la destinée d'une famille de la classe populaire sur cinq décennies, ses amours, ses désillusions, ses blessures. Le dialogue théâtral et le récit cinématographique, la parole au présent du théâtre et la force d'évocation du cinéma parviennent ensemble à restituer l'empreinte du lien familial par-delà les années. Ainsi Le Ciel de Nantes décrit avec tendresse et humour le futur des histoires d'où nous venons et qui ne sont plus les nôtres.
Deux textes sur la nécessité de se faire justice soi-même, de reprendre possession de sa voix et de son corps, de ne pas se laisser détruire par la violence subie. Se défendre au point d'être indéfendable, c'est parfois le prix à payer pour ne pas se briser.
Le point de départ de l'écriture, c'est l'histoire d'une enfant de onze ans qu'un tribunal français a reconnue consentante à son propre viol. Cette enfant devenue jeune femme, l'écriture l'invite à se faire justice elle-même. La pièce met en scène la jeune fille et son agresseur, un ami de son frère, dans une situation qui dérape, qui n'est pas préméditée, mais dont l'agresseur demeure responsable, pour ne pas dire coupable.
Ce n'est pas une réparation. Ce n'est pas une résilience. Parce qu'il y a des points de non-retour, des intolérables. Parce qu'à la violence extrême ne répond pas l'espoir, ni la compassion, ni la compréhension. Parce que l'Histoire a canonisé Martin Luther King et diabolisé Malcolm X, alors que l'un n'aurait pas pu se faire entendre sans l'autre. Parce qu'on exhorte les soumis·e·s à la non-violence, au silence, à l'humour, à la patience, afin d'éviter que les forces ne se renversent. Parce que les femmes qui usent de la violence deviennent aussitôt des monstres. Parce qu'à la violence répond la violence, implacable, furieuse.
Ranger.
Comme ranger ses affaires avant de disparai^tre. Je vais e´crire pour Jacques Weber, lui, pas lui dans la vraie vie, mais lui parce que lui toujours, cet acteur immense et humble, curieux et devenu mon ami, mon fre`re avant, pendant et apre`s Architecture dans la Cour d'honneur du Palais des Papes a` Avignon. Le soir on rentrait vers 3 heures du matin apre`s les filages et les repre´sentations. On rentrait ensemble et on parlait tous les deux dans la nuit d'e´te´ comme des enfants heureux puis on se quittait devant une sublime glycine. Oh, les glycines en e´te´, et je lui disais : je vais e´crire Ranger pour toi. Ce sera cet homme qui range ses affaires, sa vie avant de disparai^tre. Il loue une chambre d'ho^tel et fait repasser toutes les peines et la joie, les chagrins et l'amour, tout, avant de s'allonger puis de prendre ce qu'il faut et laisser la porte ouverte pour que vienne se blottir ce qui aide a` mourir. (P. R.) L'Interview .
Un face-à-face dépouillé entre deux femmes à deux âges de la vie, la plus jeune interviewant la plus âgée. Toutes deux ont traversé un moment de vertige existentiel. Elles en sont sorties. Elles racontent.
« J'ai e´crit L'Interview pour Pierrette Monticelli car lorsque nous jouions au The´a^tre Joliette a` Marseille, sa pre´sence bienveillante, calme et inquie`te me plaisait. J'ai essaye´ de donner une forme a` cette chose invisible, ces moments ou` les forces nous abandonnent, ou` l'inquie´tude bru^le tout et ou` l'on entend en soi : «Pourquoi continuer ? » » explique Pascal Rambert.
De la friction de ces deux femmes, comme deux silex, naîtra une étincelle, le début d'un feu.
8 ensemble.
Pascal Rambert a demandé à chacun des huit interprètes de se présenter et de répondre à la question suivante : « comment te vois-tu en 2051 ? ». Il s'intéresse à leurs parents, à leur quotidien, à l'instant, souvent bouleversant, où ils découvrent le théâtre. À partir d'eux et pour eux, Pascal Rambert écrit le texte, la partition de 8 ensemble. Il retrace des vies loin des stéréotypes, dans leurs détours, leurs rugosités, leurs énergies, avance par associations, tisse les trajectoires, déploie les imaginaires et la poésie qui s'en dégagent pour révéler et exposer la voix et les corps de ces jeunes aux prémices de leur vie professionnelle.
Dans les années trente, à Paris, Madeleine Verdier, jeune et jolie actrice sans le sou et sans talent, est accusée du meurtre d'un producteur célèbre. Aidée de sa meilleure amie, Pauline, jeune avocate au chômage, elle est acquittée pour légitime défense.
Commence alors une nouvelle vie, faite de gloire et de succès, jusqu'à ce que la vérité éclate au grand jour.
George Dyer occupe un hôtel parisien avec Francis Bacon, venu à Paris pour y être consacré par une exposition au Grand Palais en 1971. Bien que séparés, ils sont venus ensemble : George est le modèle principal de la plupart des toiles. La veille de l'inauguration, on retrouve son cadavre dans la salle de bain de la chambre. Francis gardera le secret encore quelques heures et devra commenter pour les puissants les déformations qu'il a opérées sur le corps et le visage de celui qui désormais n'est plus.
Francis et George sont les deux voix qui sourdent de cette pièce composée à quatre mains par Julien Gaillard et Frédéric Vossier. Deux soliloques, comme deux longs corridors, et un court dialogue évoquent les traces laissées par la mort violente de George, le modèle, quelques heures avant l'inauguration au Grand Palais de l'exposition de Francis, le peintre. Les traces de cette disparition sont partout : sur les visages des vivants, dans les lieux souvenirs d'une vie à deux, dans les oeuvres de celui qui reste.
Comme tous les soirs, dans cette ville-là comme dans toutes les autres villes - vingt ou trente années ? trente années...- La Fille jouera sa petite histoire, prendra des mines, habile à prendre des mines, fredonnera chansonnette et esquissera pas de danse. Comme tous les soirs, dans cette ville-là comme dans toutes les autres villes, elle racontera la journée terrible qui s'achève, la journée pénible qui s'achève, récit des diverses humiliations et aléas divers.
Comme tous les soirs, les deux boys, épuisés, fatigués, rêvant de s'enfuir, s'enfuyant, les deux boys feront mine, habiles à faire des mines, les deux boys l'accompagneront, tricheront avec elle, feront semblant.
Derniers remords avant l'oubli[1987] L'action se passe en France, de nos jours, à la campagne, dans la maison qu'habite aujourd'hui Pierre et qu'habitèrent par le passé avec lui Hélène et Paul. Il s'agit de se partager les biens, comme on se partage l'héritage d'un passé mort, ce qui reste de l'utopie d'une jeunesse.
Music-hall[1988] Comme tous les soirs, dans cette ville-là comme dans toutes les autres villes, la « Fille » jouera sa petite histoire, elle racontera la journée pénible qui s'achève, récit des diverses humiliations et aléas divers.
Les Prétendants [1989] Tous les personnages qui composent la vie d'un centre culturel de province se retrouvent à l'occasion de la nomination d'un nouveau directeur. C'est l'occasion de se réorganiser, de mettre en place un « nouveau projet ».
Juste la fin du monde[1990] Le fils retourne dans sa famille pour l'informer de sa mort prochaine. Ce sont les retrouvailles avec le cercle familial où l'on se dit l'amour que l'on se porte à travers les éternelles querelles. De cette visite qu'il voulait définitive, le fils repartira sans avoir rien dit.
Histoire d'amour (Derniers chapitres) [1991] Un homme a écrit une pièce. Viennent ce jour-là un autre homme et une femme et tous les trois, ils lisent ensemble ce texte. Ils joueront la pièce peut-être - ils sont acteurs - ou ils la découvrent seulement comme on découvre le texte d'un ami.
Erreur de construction [1977] Les mécanismes les plus simples de notre langage, répétés à l'infini, peuvent-ils être l'essence même d'une représentation théâtrale ?
Carthage, encore [1977] Après la catastrophe, ils sont bloqués là et rêvent de partir, de s'en sortir, s'enfuir. Mais comme la solidarité n'est pas leur fort, ils n'arrivent pas à grand-chose.
La Place de l'autre [1979] Lui est assis sur une chaise, Elle est debout. Seul jeu possible, mettre en oeuvre la meilleure stratégie pour prendre la place de l'autre.
Voyage de Madame Knipper vers la Prusse Orientale [1980] Sur la route de l'exil, des gens qui possédaient tout et viennent peut-être de tout perdre, se racontent le long voyage de Madame Knipper fuyant la Capitale. Le leur, peut-être.
Ici ou ailleurs [1981] Une femme qu'un homme quitte oublie son enfant. Un fils revient là où l'attend sa mère. Une actrice court les scènes sans jamais s'imposer. De ces vies éparses les responsables voudraient qu'« il » écrive l'histoire. Mais en est-il seulement capable ?
Les Serviteurs [1981] À l'étage Monsieur et Madame ont peut-être disparu, mais chacun en bas assure son service et sa fonction.
Noce [1982] C'est la noce. Les laissés-pour-compte, les oubliés de la fête veulent participer. Ils montent à l'assaut des mariés, ils font la révolution mais devront eux aussi inventer un nouveau monde.
La Bonne de chez Ducatel [1977, inédit] Mme Ducatel, son fils et Pauline, la bonne. Pauline fait le ménage (ou bouquine) tandis que Mme Ducatel assassine son mari. Dans la maison d'à côté, c'est la même chose, sauf que la bonne est déléguée.
Le garçon est le fils de l'homme plus âgé, il est aussi l'ancien amant de l'autre homme. L'autre homme tient à être clair. Il sait que cette histoire n'était pas « raisonnable », il prend toutes les précautions pour dire qu'il y a mis fin, qu'il n'a plus de contact avec le garçon depuis plusieurs semaines. Qu'il est désolé d'avoir cédé à ses avances. Qu'il aurait dû être plus prudent, mais qu'il ne se sent coupable de rien, que le père ne peut pas lui reprocher que son fils l'ait séduit, que ce fut une histoire folle. Mais pas indigne. Il se défend comme dans un procès que le père ne lui fait pourtant pas... Le père ne pose pas des questions pour juger mais pour comprendre.
Son fils s'est tué il y a quelques jours. Il a laissé une lett re où il a demandé à son père de prévenir son ancien amant, mais de ne le prévenir qu'après l'enterrement.
La Force qui ravage tout débute par un extrait de L'Orontea, qui a gardé assez mauvaise réputation à travers les siècles, à cause de son intrigue plus que légère et sa vision du rapport amoureux inquiétante, frénétique et en tout cas très instable.
Or les spectateurs, qui ont suivi cette représentation ce soir-là, se mettent à se comporter de manière de plus en plus étrange et imprévisible, rebattant les cartes de leur vie sentimentale, puis se mettant à soumettre tous les autres aspects de leur existence au règne de l'amour. C'est lui désormais qui guide leurs comportements, leur mode de vie ou leurs choix professionnels.
Au fil de ce temps continu se déroulent leurs histoires et leurs bouleversements, les relations qu'ils nouent, celles qu'ils brisent, celles entre eux ressurgies du passé, situations absurdes, renversantes, drôles ou tragiques, mais qui laisseront leurs vies sens dessus dessous.
L'auteur et metteur en scène Lazare réinvente le mythe de Psyché - jeune mortelle dont Cupidon, fils de la déesse Vénus, s'éprend et rend amoureuse de lui en utilisant ses pouvoirs - pour explorer ce qu'est le désir. En quoi est-il profond, factice ou dicté ? Désir amoureux, désir d'appartenance, de reconnaissance, de possession, de croyance, d'émancipation... Entre le vieux monde des dieux, des mystères, et l'abstraction et les lois du nouveau monde, Psyché va devoir trouver sa propre voie, son chemin d'être humain. Une multitude de personnages habite cette fable contemporaine composée de rencontres, de conflits, de poèmes, de solidarités, de chansons, d'élans de vie au milieu du chaos.
Les Variati ons Sophocle, cycle dont le point de départ est la demande que Christi an Schiaretti a adressée à Jean-Pierre Siméon pour l'écriture de Philoctète, une réécriture liée à son travail de poète qui a pour essenti elle préoccupati on d'opérer un transfert d'une langue dans une autre, c'est-à-dire non pas du grec au français comme le traducteur, mais d'une poésie dans une autre. Et cela est de grande conséquence, la réécriture ici engendre une métamorphose, c'est la même chose mais sous une autre forme : comme on dirait, un lapin devient un chat. Autre rythme, autre intensité, autre substrat métaphorique, autre voix dans la langue . Ce n'est évidemment pas mieux, c'est autre.
C'est, si l'on veut, Sophocle tel quand lui-même sa poésie le change.
Ces textes ne sont donc ni traducti on, ni adaptati on, on peut les nommer « variati ons poéti ques ». Jean-Pierre Siméon conserve l'argument, les moti fs centraux, les personnages et la trame jusque dans son déroulé chronologique. Mais si une traducti on suit le texte ligne à ligne, une variati on échappe sans arrêt à cett e servitude, ne s'interdisant ni expansions, ni soustracti ons, ni ellipses, ni ajouts ponctuels. La parole au contraire s'invente dans sa propre rythmique, celle qu'on retrouve par exemple déjà dans le Stabat Mater Furiosa.
Autres mythologies grecques : Témoins à charge, chronologiquement la première des pièces présentées ici, ensemble apparemment disparate de brefs monologues, que l'auteur appelle pour sa part des « minilogues », matériau dont Jean-Louis Hourdin s'est emparé pour un fameux stage à Pernand-Vergelesses, est en grande parti e moti vé par cett e recherche d'une poésie apte à tenir le plateau. Et il était logique que ce travail mène à la tragédie puisqu'aussi bien la poésie est son langage nécessaire. Et donc à l'origine grecque.
Les deux autres pièces, Odyssée, dernier chant et La mort n'est que la mort si l'amour lui survit, écrites dans cett e langue inventée et affi rmée dans mon travail sur les pièces de Sophocle justement, et écrites comme dans leur prolongement, sont des variati ons d'un autre type puisque ne partant d'aucun texte originel, elles sont comme des dérivés, des rêveries dont la substance cependant doit tout ou presque à la mythologie grecque.
Tout cela pour dire que si ladite mythologie est le soubassement de tous ces textes, ils sont aussi peu ou prou le manifeste en acte d'une poésie pour le théâtre et les témoins d'un parcours de vingt-cinq ans, singulier et opiniâtre dans ses partis pris.