Je disais l'amour de ma vie et je te regardais / je te regarde et je pense je ne te reconnais plus / ton corps je le connais / les attaches les os tout ça je connais / mais dessous il y a quoi / dessous sous l'enveloppe il y a quoi ? / une sorte de nouveau toi et moi qui n'a rien à voir rien à voir je suis désolé / Un couple clôture son amour en deux monologues qui vont au bout de leur pensée, deux longues phrases qui ne sauraient s'interrompre, manière de solder les vieux comptes et marquer dans une langue poussée à bloc le territoire des corps.
Clôture de l'amour, écrit pour les acteurs Audrey Bonnet et Stanislas Nordey, a été créé lors du Festival d'Avignon 2011 dans une mise en scène de l'auteur et a reçu un accueil enthousiaste auprès du public et de la critique. La pièce obtient, en 2012, le Prix de la Meilleure création d'une pièce en langue française du Syndicat de la critique et le Grand Prix de Littérature dramatique du Centre national du Théâtre. En 2013, le Prix de l'Auteur sera décerné à Pascal Rambert et celui de la Comédienne à Audrey Bonnet lors du premier Palmarès du théâtre.
Traduit en dix-huit langues et joué dans une vingtaine de pays ce texte peut désormais être considéré comme un incontournable du théâtre français de ce début du XXIe siècle.
Mon absente plonge le spectateur au coeur d'un lieu clos, calme et profond, en marge de la vie qui court et oublie ce qui la fait courir. Une communauté d'endeuillés, famille et amis mélangés, se retrouve au chevet d'une femme qui n'est plus là. Et les souvenirs affluent. Et les langues et les larmes se délient. Un portrait diffracté se détache du vide laissé.
Née d'une commande pour les acteurs et actrices associés du TNS, Mon absente a pris sa source dans la béance du décès de Véronique Nordey.
Mais le projet s'est petit à petit transformé et c'est une figure fictionnelle qui tient désormais lieu d'absente et de lien entre les personnages en jeu.
À la distribution initiale, s'est ajouté un nouveau cortège, quelques élèves fraîchement sortis du TNS et présents sur Mont Vérité ainsi qu'Aristide Tarnagda. Ils sont maintenant 11 présents, hommes et femmes de diverses origines et générations, à confronter la verticalité de leur corps et la chaleur de leur souffle à l'épreuve de la disparition, au mystère de la mort. À la déflagration de la perte. Réunis par le deuil, ils gravitent en satellites autour d'un cercueil jonché de fleurs, point fixe autour duquel s'organise leur ballet d'entrées et de sorties. Dans ce décor de douleur et de recueillement, la parole maintient en vie, fait tenir, ensemble, pour le meilleur et pour le pire, les vivants. (P. R.)
Ranger.
Comme ranger ses affaires avant de disparai^tre. Je vais e´crire pour Jacques Weber, lui, pas lui dans la vraie vie, mais lui parce que lui toujours, cet acteur immense et humble, curieux et devenu mon ami, mon fre`re avant, pendant et apre`s Architecture dans la Cour d'honneur du Palais des Papes a` Avignon. Le soir on rentrait vers 3 heures du matin apre`s les filages et les repre´sentations. On rentrait ensemble et on parlait tous les deux dans la nuit d'e´te´ comme des enfants heureux puis on se quittait devant une sublime glycine. Oh, les glycines en e´te´, et je lui disais : je vais e´crire Ranger pour toi. Ce sera cet homme qui range ses affaires, sa vie avant de disparai^tre. Il loue une chambre d'ho^tel et fait repasser toutes les peines et la joie, les chagrins et l'amour, tout, avant de s'allonger puis de prendre ce qu'il faut et laisser la porte ouverte pour que vienne se blottir ce qui aide a` mourir. (P. R.) L'Interview .
Un face-à-face dépouillé entre deux femmes à deux âges de la vie, la plus jeune interviewant la plus âgée. Toutes deux ont traversé un moment de vertige existentiel. Elles en sont sorties. Elles racontent.
« J'ai e´crit L'Interview pour Pierrette Monticelli car lorsque nous jouions au The´a^tre Joliette a` Marseille, sa pre´sence bienveillante, calme et inquie`te me plaisait. J'ai essaye´ de donner une forme a` cette chose invisible, ces moments ou` les forces nous abandonnent, ou` l'inquie´tude bru^le tout et ou` l'on entend en soi : «Pourquoi continuer ? » » explique Pascal Rambert.
De la friction de ces deux femmes, comme deux silex, naîtra une étincelle, le début d'un feu.
8 ensemble.
Pascal Rambert a demandé à chacun des huit interprètes de se présenter et de répondre à la question suivante : « comment te vois-tu en 2051 ? ». Il s'intéresse à leurs parents, à leur quotidien, à l'instant, souvent bouleversant, où ils découvrent le théâtre. À partir d'eux et pour eux, Pascal Rambert écrit le texte, la partition de 8 ensemble. Il retrace des vies loin des stéréotypes, dans leurs détours, leurs rugosités, leurs énergies, avance par associations, tisse les trajectoires, déploie les imaginaires et la poésie qui s'en dégagent pour révéler et exposer la voix et les corps de ces jeunes aux prémices de leur vie professionnelle.
C'est l'heure de la vengeance du règlement de comptes c'est l'heure où marchant sur mes pas tu viens me faire payer d'avoir été la plus aimée c'est ça ?
Et toi celle qui soi-disant n'a pas été désirée?
C'est ça ?
Une mère qui meurt... Une de ses filles est là, mais l'autre n'a pas été prévenue à temps. Erreur ? Faux pas ? Négligence ou acte manqué ? Fatalement arrive le temps de la confrontation. La famille, la proximité de la mort, les amours non réalisées...L'oeuvre de Pascal Rambert tire ses racines de ces ingrédients là. De cette matière fictionnelle qu'il creuse inlassablement, il extirpe de véritables pépites. Ici, tout repose sur la puissance de l'échange. Face à face, deux blocs d'énergie pure, des rapports de force organiques.
Création du 6 au 8 novembre 2018 à Bonlieu, scène nationale d'Annecy, dans une mise en scène de l'auteur.
Marina Hands et Audrey Bonnet ont été nommées aux Molières pour leur interprétation dans Actrice de Pascal Rambert ; la première en tant que meilleure comédienne, la seconde pour le meilleur second rôle.
Deux amis : c'est un couple Stanislas Nordey et Charles Berling vivant ensemble et travaillant ensemble qui remontent comme l'avait fait Antoine Vitez avec les quatre Molière (Le Misanthrope, L'École des femmes, Tartuff e et Dom Juan) de la manière que l'avait fait lui-même Molière et Antoine avec une table deux chaises et un bâton. Pendant la répéti ti on et les questi ons de préparati on du travail Stanislas lit comme cela nous arrivera à tous sur le portable de Charles un sms qu'il n'aurait pas dû lire. À parti r de là c'est l'explosion ultra-violente en direct et en temps réel d'un couple d'arti stes. (P. R.).
Toi : Depuis de nombreuses années je veux travailler avec Valeria Bruni Tedeschi. Quand elle était à Nanterre à l'école de Patrice Chéreau j'étais à Chaillot à l'école d'Antoine Vitez. Je la voyais de loin. Je voulais travailler avec elle. Et puis il y a eu Rêve d'automne de Chéreau au Théâtre de la Ville. C'était clair que je voulais travailler avec elle. Et puis ses fi lms aussi. Tous ses fi lms. Et le dernier revu dans un avion en rentrant du Mexique m'a fait me dire elle est comme une soeur pour les histoires qu'elle écrit et que j'écris. Alors on s'est vus et on a décidé de faire cela : je vais écrire une déclarati on d'amour d'une fi lle pour sa mère. Sa mère est sa vraie mère.
Marisa Borini. Elle est celle qui joue du piano sur un grand Bosendorfer entre les silences de sa fi lle. C'est à elle que les mots sont desti nés. Et c'est Valeria qui les vit. (P. R.).
Trois comédiennes se réapproprient le mystère de l'Annonciation qui se joue entre la vierge Marie et l'ange Gabriel, elles creusent ce sillon pour le questionner aujourd'hui, le tirer du côté de la modernité.
Que pourrait-on annoncer à notre époque ? Quelles pourraient être les annonciations contemporaines ? La catastrophe écologique à venir ? La fin du monde ? L'avènement de temps nouveaux ? Une marche arrière ? Tout est ouvert et l'imagination est reine.
Trois actes, le premier étant le plus proche du fameux Quattrocento italien, période faste de l'Histoire de l'Art, un temps révolu qui a rêvé à la beauté et inventé des espaces picturaux très architecturés, réalisés avec un grand soin.
Le deuxième sera lié à la ferveur qui émane de la Semaine sainte en Espagne, au sang chaud, à la beauté bouleversante de la procession. Il s'ancre dans des temps à venir, des souhaits adressés au monde et ce besoin métaphysique de réponses.
Quant au dernier acte, il prend place dans un futur lointain, dans l'espace éventuellement, en présence d'un cosmonaute.
D'une certaine façon, le texte adopte la marche du monde, partira du passé pour aller vers l'avenir, l'inconnu, mais ce rapport au temps restera flou, volontairement, comme si on regardait les choses à travers une loupe un peu sale, comme si les choses se passaient derrière un voile.
Laisse-moi tranquille toi la même folie cette fureur cette envie de détruire le monde comme ta mère tu vas détruire le monde ? tu es le génie qui va détruire le monde c'est ça ? tu vas faire exploser le langage montrer que quand nous parlons nous ne disons rien ? forcer à regarder notre inanité dans cet attentat par la langue ?
Architecture est une brutale histoire de famille. Un naufrage. Entre le début de la modernité, la Première Guerre mondiale et l'Anschluss. Une période de trente ans. Nourrie d'espoir. Égorgée dans un bain de sang. Où le langage lui-même perd tout sens. Où le langage meurt.
Architecture montre comment les plus belles structures s'effondrent et finissent par engloutir leurs enfants les plus brillants. Architecture est un memento mori pour penser notre temps. Si les plus brillants n'ont pu empêcher le sang comment ferons-nous dans un temps peu armé comme le nôtre si le sang se présente à nouveau ?
Pascal Rambert
C'est pour cela que tu es devenue l'actrice que tu es / parce que tu as laissé ton imaginaire s'implanter dans ton corps / à la manière d'un virus / une actrice c'est un imaginaire dans un corps / qui restitue la condition humaine / quand on voit ça au degré où tu le pratiques on pleure / on envoie des fleurs / on crie bravo à ces êtres qui nous disent / regardez-vous vivre.
Pascal Rambert, après un passage à l'École de Chaillot avec Antoine Vitez, alterne l'écriture et la mise en scène, puis est metteur en scène de ses propres pièces. Il est également acteur, réalisateur et chorégraphe. De 2007 à fin 2016 il est directeur du T2G-théâtre de Gennevilliers qu'il a transformé en centre dramatique national de création contemporaine, lieu exclusivement consacré aux artistes vivants. Ses créations sont présentées internationalement : Europe, Russie, Moyen-Orient, Asie, Amérique du Nord, Amérique centrale et Amérique du Sud, et ses textes sont régulièrement traduits dans différentes langues.
Il est notamment l'auteur de Clôture de l'amour qui a obtenu le Grand prix de littérature dramatique 2012 et de la meilleure création de pièce en langue française pour la saison 2011-2012. Pascal Rambert a reçu le Prix du Théâtre de l'Académie française pour l'ensemble de son oeuvre dramatique en 2016.
Création le 12 décembre 2017 au théâtre des Bouffes du Nord (Paris), dans une mise en scène de l'auteur.
J'allumerai des feux dans le monde mort avec le bois que nous aurons coupé ensemble le bouleau le hêtre le chêne le tremble nous ferons des feux tu te mettras nue comme on entre au sauna je verrai ton corps blanc dans la lumière je me mettrai à genoux et je dirai ma poésie Une maison dans les bois abrite quatre frères, ils sont bûcherons ou menuisiers. Il y a aussi Marie, la servante. C'est une fable, un poème animiste ou encore un rituel amoureux qui évoque le désir masculin virant à l'obsession et la puissance de la femme qui bouleverse les codes imposés par ces hommes.
Avant bien sûr on ne peut pas savoir. On écrit. Le temps n'existe pas. Puis après il y a un objet. Les mots sont là. Forcé de relire on voit : c'est une phrase. Je suis une phrase. Ininterrompue. Je l'arrête quand je meurs.
Pascal Rambert, connu par un plus large public depuis l'immense succès de Clôture de l'amour, n'est plus vraiment un jeune auteur. Il met en scène ses textes depuis trente ans tant en France qu'à l'étranger. Ce volume rassemble une sélection de textes de théâtre écrits entre 1987 et 2001, et nous plonge dans l'univers d'un jeune dramaturge qui affirme un geste original dans la fin du XXe siècle et est devenu un auteur phare de ce début du XXIe siècle.
- Le Réveil (1987).
- John & Mary (1991).
- De mes propres mains (1993).
- Race (1997).
- Le Début de l'A. (2001).
Nous rendions concret un rêve commun par le travail des champs et des jardins nous étions assez insouciants comme les garçons et les filles sur le rond-point ceux qui n'avaient pas de conscience politique disait le père de Paul en hurlant vous n'avez pas de conscience politique et vous allez le payer très cher laissez les mains libres allez-y à ceux qui parlent pour vous qui ont une langue qui vous écrase ils ont une langue qui vous met par terre pleine de mots excluants Pascal Rambert a écrit pour douze jeunes artistes, issus de l'École supérieure d'art dramatique du Théâtre National de Strasbourg, un hymne à la jeunesse, à la liberté et à l'amour. Il s'est inspiré d'une communauté utopiste qui s'est installée au début du xxe siècle à Ascona, en Suisse, au bord du lac Majeur. Au fil du temps, de nombreux artistes et intellectuels ont rejoint cette communauté, séduits par un mode de vie alternatif où danses, discussions, concerts, naturisme, baignades, jardinage, rythmaient les journées. Mais la Première Guerre mondiale a éclaté.
Tout à l'heure je fais l'histoire de ton corps peut-être.
Les gens devraient faire l'histoire de leur corps.
Ils devraient de temps en temps fermer la porte.
éteindre les lumières.
Se placer devant un miroir.
Se déshabiller.
Et regarder.
Sans dire un mot.
Juste regarder.
Tout est écrit là.
Il faudrait le faire.
Ils se sont aimés, ont fait un enfant, puis se sont séparés. Trente ans plus tard, elle lui propose de se retrouver pour reconstituer leur première rencontre. Comme une manière de se réconcilier ? De se souvenir de la naissance de l'amour ? De renouer avec ce qui a été et resterait malgré tout essentiel ? Mais comment se parler après tant de temps, alors que les corps ont changé, que la vie les a transformés ? Qu'est-ce qui les rejoint encore ?
Je ferme ma bouche je suis un pot j'avais la bouche ouverte pour recevoir la vie j'ai reçu des gifles et des phrases mal construites des phrases dégoûtantes des phrases si mal faites des phrases explosées sans sens détruites par la distraction devant la laideur je vais tomber au sol par distraction attention on ne fait plus gaffe on s'enfonce attention Perdre son sac : Une jeune femme, s'adresse aux passants pour dire sa solitude, sa colère, la perte de son amoureuse, son incompréhension face à un monde que certains estiment divisé entre «?les gens qui réussissent?» et «?les gens qui ne sont rien?».
Christine : Pascal Rambert a écrit ce texte en pensant aux acteurs et aux actrices qui attendent dans leur loge et entendent les grandes émotions, alors que eux entrent en scène, disent trois mots, et sortent. Tous ces personnages qui sont comme ces personnes que la vie réelle ne regarde pas. Et qui, en silence, se préparent à tout renverser.
Nos parents : Quinze jeunes actrices et acteurs parlent de leur jeunesse, de leurs parents, du passage à une vie d'adulte, à un âge où l'enfance n'est pas encore trop lointaine. Une fiction montée/démontée à partir de récits écrits par les protagonistes.
Pourquoi on va au théâtre ? Pour dévorer du visage. C'est des cibles mouvantes les acteurs. On les regarde. On les suit comme ça. Ces déplacements. C'est fantastique. On voudrait pouvoir les descendre comme des cols-verts en plein vol. Pan. Pan. Leur prendre leur jolie petite gueule et les fixer. C'est ça que je fais. Je fixe. Je fixe pour les autres. Pour que les autres voient.
La porosité entre l'art et la vie, entre la vie et la mort, est au centre de cette pièce qui se déroule dans un studio de radio, le temps d'une émission monographique sur un artiste.
Création le 24 mai 2017 au Théâtre du Vieux Colombier par La Comédie Française dans la mise en scène de l'auteur.
Cessez voulez-vous Annabelle ce chant funèbre l'air est lugubre le ciel bas la nuit épaisse j'ai peur si je ferme les yeux j'entends j'entends si je me concentre bien fermez les yeux écoutez écoutez entendez-vous ces coups de canons ces tirs secs des fusils l'air comme un gaz porteur met dans nos oreilles les sons de Paris écoutez écoutez on s'y bat les murailles cèdent les corps tombent on dresse la barricade ça claque l'artillerie sera sortie elle aura anéanti vos amis aux grandes idées.
Argument renvoie à l'histoire de la Commune, au travers d'une scène tragique et magique où les convictions conservatrices s'opposent aux forces révolutionnaires, sur fond imaginaire de toile de Jouy.
Là‚ c'est juste le segment temporel où l'on me voit‚ moi. Mais à ce moment-là - pardon de le dire comme ça mais c'est toute l'espèce humaine qui est concernée et qui se pose les mêmes questions que je me pose avec l'Anglaise. Le fait de faire l'amour va dans ce sens-là : tu m'aimes je t'aime on s'aime on est qui quand on s'aime on est qui ? on est où quand on s'aime ? on est où ? on est qui ? on est devenu qui ?
Si je raconte cela c'est pour parler de toi c'est pour parler de moi et du monde que tu auras souillé.
Car toi le malin qui te tiens dans mon dos toi qui t'indignes en alignant les noms des mille et un conflits du monde toi qui reproches à dieu sa cruauté son manque de courage toi qui par le silence et puis par les mots as voulu tuer l'enfant que je porte interroge-toi sur ce que tu es et ce que tu as fait.
Va-t'en.
Nous vivions dans un pays heureux toi et tes semblables avez rendu la terre muette.
Vous pouvez vous promener de par le monde hommes par grappes dans vos luxueux bus climatisés ne vous étonnez pas si sur votre passage rien ni personne ne vous parle jamais si le monde se tait.
Vous pouvez aller piller de par le monde mais le trésor du monde entre vos mains restera pour vous éternellement muet (...) Ce texte a été crée dans une mise en scène de Pascal Rambert en décembre 1995 au Centre Dramatique National Nice Côte d'Azur et repris à Paris à la Ménagerie de Verre en novembre 1996.
Interroger la France, l'Europe, l'Occident sur son rapport à l'autre, le Noir, l'Arabe, l'Asiatique.
Interroger le blanc sur son rapport à la colonisation, à l'occupation du territoire des autres. Interroger le Français sur sa place dite historique en Algérie. Interroger l'Occidental sur son rôle de civilisateur autoproclamé en Afrique, Amérique du Sud et dans les plaines d'Amérique du Nord. Interroger, remuer la mémoire de ces hommes (blancs) qui depuis bientôt sept fois cent ans occupent le devant de la scène, s'enrichissent dans le commerce, autrement dit dans le pillage de la terre des autres.
A l'heure où une partie des Français disent à l'altérité: tu m'envahis de couleur que mon sol ne veut plus tolérer, Race dresse alors à cette heure-là, comme d'autres leurs bien faibles moyens : sa parole.
Disant : voleur, esclave, habitant du continent d'Afrique, d'Arabie et d'Asie, désormais de ton sol tu es dépossédé.
Ta richesse est la mienne.
Ma langue, la tienne.
Si écrire c'est faire parler le mort, Race, en donnant la parole à ceux que l'écriture du monde par l'homme blanc a fait taire, entend faire parler le muet de l'Histoire.
Ce texte a été créé en septembre 1997 à Rouen dans le cadre du festival Octobre en Normandie.
La pièce commence comme le début des 120 journées de Sodome. Des hommes et des femmes se réunissent dans un lieu pour se livrer à des actes qui, c'est selon, laverons ou salirons le monde et eux mêmes. Aprés l'arrivée des hommes, trés vite on mure les portes et les fenêtres. Plus rien ne rentre plus rien ne sort. On laisse tout derrière soi. Les travaux peuvent commencer.
Comment souffres-tu ? souffres-tu avec plaisir ? souffres-tu sans plaisir ? souffres-tu en ayant mal ? aimes-tu souffrir ? aimons-nous souffrir ? comment te sens-tu quand tu souffres ? pourquoi il n'y a que toi qui souffres ? les autres souffrent-ils ? est-ce que tu crois que je peux souffrir comme tu souffres ? est-ce que tu souffres quand tu écris ? est-ce qu'écrire fait mal ? écris-tu ? es-tu sûr d'avoir mal quand tu as mal ? es-tu vexé ? es-tu humilié ? as-tu été humilié ? m'humilieras-tu ? est-ce que tu peux m'humilier ? est-ce que je peux te vexer ? m'as-tu seulement aimée ?
Où est la nuit ? qui m'aimera ? et la girafe ? et le grand cerf ? et les abeilles ? et l'ours et les colonies de choses volantes et rampantes ? et le ciel ? et l'étendue ? qui peindra l'étendue ? qui parlera de peinture ? qui peindra ? et les étonnements ? et mon grand drap ? et l'amour de mon grand drap blanc ?
Je suis venu à la Manufacture. J'ai souhaité rencontrer les jeunes actrices et les jeunes acteurs. Je voulais les voir. Physiquement. J'écris pour des gens précis. Pas « en général ». Je voulais écouter leur tessiture. Nous avons parlé ensemble. J'ai pris leur visage en photo avec mon iPhone. Et je suis parti. Puis j'ai écrit. Pour eux. Individuellement. En regardant parfois leur portrait. J'ai écrit pour eux Lac, une histoire où la langue est le premier sujet. Une histoire de langue mettant en ligne seize corps moins un face à la mort, au sexe et au crime.
Pascal Rambert Ce texte est une commande de la Manufacture - Haute École de théâtre de Suisse romande, direction Frédéric Plazy, pour l'écriture d'un texte destiné au spectacle de sortie des étudiants comédiens (Bachelor Théâtre, 2012-2015).
Si l'art c'est prendre le réel, le déplacer et le montrer sous une forme nouvelle, alors à Gennevilliers, oui, nous allons pendant dix mille quatre-vingt-quinze jours tenter de faire de l'art avec la vie. Et voici comment.
J'ai écrit ce texte dans des trains, des aéroports, des gares, des avions. Quand enfin on peut se taire. Regarder par la fenêtre. Et rêvasser un peu. Rêver à ce que l'on aime. Ici Avignon et son Festival. Je ne sais pas pourquoi j'ai voulu écrire une sorte de lettre d'amour à Avignon et son Festival. Sans doute parce que se tiennent quatre semaines durant dans ce lieu les conditions de beauté et de chagrin de la condition humaine représentée.