C'est une histoire d'amour, de vie et de mort. Sur quel autre trépied la littérature danse-t-elle depuis des siècles ? Dans Son odeur après la pluie, ce trépied, de surcroît, est instable car il unit deux êtres n'appartenant pas à la même espèce : un homme et son chien. Un bouvier bernois qui, en même temps qu'il grandit, prend, dans tous les sens du terme, une place toujours plus essentielle dans la vie du narrateur.Ubac, c'est son nom (la recherche du juste nom est à elle seule une aventure), n'est pas le personnage central de ce livre, Cédric Sapin-Defour, son maître, encore moins. D'ailleurs, il ne veut pas qu'on le considère comme un maître. Le héros, c'est leur lien. Ce lien unique, évident et, pour qui l'a exploré, surpassant tellement d'autres relations. Ce lien illisible et inutile pour ceux à qui la compagnie des chiens n'évoque rien. Au gré de treize années de vie commune, le lecteur est invité à tanguer entre la conviction des uns et l'incompréhension voire la répulsion des autres ; mais nul besoin d'être un homme à chiens pour être pris par cette histoire car si pareil échange est inimitable, il est tout autant universel. Certaines pages, Ubac pue le chien, les suivantes, on oublie qu'il en est un et l'on observe ces deux êtres s'aimant tout simplement.C'est bien d'amour dont il est question. Un amour incertain, sans réponse mais qui, se passant de mots, nous tient en haleine. C'est bien de vie dont il est question. Une vie intense, inquiète et rieuse où tout va plus vite et qu'il s'agit de retenir. C'est bien de mort dont il est question. Cette chose dont on ne voudrait pas mais qui donne à l'existence toute sa substance. Et ce fichu manque. Ces griffes que l'on croit entendre sur le plancher et cette odeur, malgré la pluie, à jamais disparue.
Une fois transfigurée par l'hiver, sublimée par la neige, la haute montagne devient inaccessible. Seule la randonnée à ski permet alors de s'y aventurer et, partant, d'éprouver tout ce qu'une excursion dans un monde absolument vierge peut offrir. Le ski de randonnée est d'abord un ski de liberté : ne s'agit-il pas de créer son propre itinéraire, de vagabonder par ses propres forces entre terre et ciel ? Et, de surcroît, sans rien laisser d'autre derrière soi qu'une trace éphémère ?
Le randonneur à ski n'entreprend pas une ascension sportive mais un véritable voyage, coûteux en efforts certes, mais en osmose avec la montagne et le grand mystère blanc. Parmi les récompenses de cet engagement : une communion avec le milieu et, bien sûr, de sensationnelles descentes.
Fin limier de la montagne, Cédric court, skie ou grimpe, l'oreille toujours alerte et le carnet Moleskine prêt à être dégainé du baudrier pour croquer ce qu'il se dit et se joue dans le petit milieu des montagnards. Chroniqueur pour la revue en ligne Alpine Mag, il analyse et décrit ce microcosme chaque lundi avec rigueur, tendresse et une bonne dose d'autodérision. Tatouée dans son cortex, la sentence de Nicolas Bouvier : « La légèreté est aussi volatile que précieuse et exige d'être courtisée et reconquise chaque jour. »
Il est des plaisirs supérieurs. Celui de prendre son café au comptoir d'un bistrot en est un. Dans ses Espresso, chroniques hebdomadaires pour Alpine Mag, Cédric Sapin-Defour se laisse aller à son inspiration. Amusée, inquiète ou résistante, c'est selon l'humeur du grain à moudre. Rien ne lui échappe : les trailers affublés de leur tee-shirt de finisher, le désert des stations-villages à la Toussaint, les grimpeurs jouant à chifoumi si l'onglée les épargne, le silence laissé par l'ami disparu un jour de fête de la musique... et toujours cet étrange besoin d'aller là-haut pour humer le monde et trouver, qui sait, les réponses à ces fichues questions que la vie d'en bas nous soumet.
Ses billets d'humeur racontent la montagne d'aujourd'hui et ceux qui s'y frottent, y brillent, et comment ils retombent sur le plancher des vaches. Cette montagne qui dit la vie et ses jongleries, les Hommes et leurs fêlures. Des textes composés pour être avalés en une gorgée, toujours corsés et profonds... sous haute pression. Sans sucre. Espresso.
Allitération, épizeuxe, palindrome, digression, acrostiche et autre litote éclairent nos aventures alpines pour nous donner à lire ce qu'il se dit dans le huis clos d'une ascension, depuis la formation de la cordée, la nuit au refuge, l'arrivée au sommet et même après, de retour en bas, à l'heure de rapporter l'exploit.
Ainsi Cédric Sapin-Defour s'inspire d'une figure de style littéraire pour raconter quarante moments de montagne comme autant de scenettes inspirées de la réalité.
Et comme l'exemple vaut mieux que la leçon, parlons du Tautogramme...
« Putain, panne presque pétée, piolets Petzl pourris ! ».
Le Tautogramme est donc un cas particulier d'allitération (répétition d'une ou plusieurs consonnes à l'intérieur d'une même phrase) formant un texte dont tous les mots commencent par la même lettre. L'auteur part de cette phrase pour raconter la fin de l'aventure à suspense de ce piolet cassé...
Cédric Sapin-Defour tient autant en respect les hommes, les montagnes et les mots, c'est sans doute pour cette raison qu'il sait si bien les conjuguer.
François Damilano a été le précurseur de l'escalade sur glace dans les années 1980. C'était sa façon à lui d'entrer dans la lumière, jeune garçon du Mans, nourri par les récits de ses aînés et les sorties du club alpin français. Il s'est inventé un destin, sept vies même, pour assouvir sa passion exclusive pour la montagne, inscrivant très tôt le nom des plus beaux sommets dans son carnet de courses entre les Alpes et l'Himalaya. Une iconographie importante, extraite de plus de quarante ans d'archives, vient enrichir l'histoire de l'un des principaux acteurs de l'âge d'or de la cascade de glace, écrite par l'un des plus prometteurs auteurs de littérature de montagne.