La mouette
Jeune dramaturge qui aimerait révolutionner le théâtre, Trépliev écrit une oeuvre novatrice interprétée par Nina, une comédienne qui rêve de gloire et dont il est amoureux. La représentation a lieu dans la propriété de Sorine, un vieillard qui n'a pas su réaliser ses désirs les plus simples, en présence de la mère de Trépliev, actrice célèbre, et de son amant Trigorine, auteur réaliste de renom. La pièce est un échec et Nina abandonne Trépliev pour suivre Trigorine, qui l'abandonnera à son tour...
Ici, point de héros grandiloquents, nulle action spectaculaire, mais des personnages émouvants qui, au fil de dialogues ténus, laissent entendre leur drame - celui de l'indécision et de l'inachèvement.
«Ma pièce est déjà prête dans ma tête. Elle s'appelle La Cerisaie, il y a quatre actes, dans le premier on voit par les fenêtres des cerisiers en fleurs, tout un jardin blanc ininterrompu. Et les dames sont vêtues de blanc.»Lettre de Tchekhov, 5 février 1903Après cinq ans d'absence, Lioubov retourne dans la maison de son enfance avec une émotion intacte. Elle retrouve la splendide cerisaie qui entoure son domaine comme un abri hors du temps. Mais cet inestimable trésor est aussi un patrimoine délaissé, criblé de dettes et qu'il va bien falloir vendre... Dernière pièce de Tchekhov, La Cerisaie (1904) est la peinture de la fin d'un monde. Par l'évocation de ce jardin d'Éden voué à la disparition, Tchekhov dresse, un an avant la première révolution russe, un état des lieux d'une classe qui meurt pour être restée étrangère à la marche du temps.
En quoi consiste le bonheuroe Est-il à notre portéeoe Dans Oncle Vania (1897), les personnages s'interrogent. Aux élans d'espoir et de joie succèdent l'abattement et la détresse. Le dégoût d'être laid, vieux, malade. L'ennui d'habiter en province, où jamais rien ne se passe; de travailler comme un forcené, sans reconnaissance aucune. La douleur d'aimer sans retour. La fadeur de ne pas aimer. Ailleurs, à une autre époque, dans d'autres circonstances, peut-être, ils auraient pu être heureux... Bien sûr, il y a la révolte, la tentation du meurtre, celle du suicide. Mais en vain. La vie est là, amère et crue: on s'y enlise. «Vous dites que la vie est belle. Oui, mais si ce n'était qu'une apparence! Pour nous, les trois soeurs, la vie n'a pas encore été belle, elle nous a étouffées, comme une mauvaise herbe», affirme Irina dans Les Trois Soeurs (1901). Son rêve le plus cher, partir à Moscou, restera inaccompli.
Que nul ne vienne chercher, dans ces pièces de Tchekhov, un héros classique, ou un geste grandiose; car ainsi que l'affirmait le dramaturge: «Dans la vie, les hommes ne se tuent pas, ne se pendent pas, ne se font pas des déclarations d'amour à tout bout de champ. Ils ne disent pas à tout instant des choses pathétiques. Ils mangent, ils boivent, ils se traînent et disent des bêtises. Et voilà, c'est cela qu'il faut montrer sur scène.»
Traduction d'Arthur Adamov, révisée par Michel Cadot Présentation par Michel Cadot
Couverture: Virginie Berthemet.
Un monde entier se dévoile à nous dans cette oeuvre, une image symbolique de la société russe que Iegorouchka traverse sans la comprendre, avec ses hiérarchies, ses coutumes, ses secrètes métamorphoses : marchands, religieux, petits commerçants juifs, paysans, anciens ouvriers, routiers, chacun peint par son parler autant que par son visage. Le voyage du jeune garçon est court. Pour quelques jours, sa petite silhouette aura longé l'immense route semée de débris et de souvenirs épiques, où se dessine une aventure qui ressemble bien au destin de la Russie : le temps de Tarass Boulba est révolu. Comme celui de la Russie terrienne et patriarcale du comte Tolstoï. Voici la Russie des hommes neufs, des énergies vagabondes, des Souvarine et des Tchekhov, des rapaces mais aussi des roturiers consciencieux et rationalistes, du progrès.
La Steppe n'eut pas de suite romanesque. La Russie bourgeoise devait vite mourir. En Tchekhov, elle avait trouvé son poète et sa conscience.
Un jeune homme entreprend de faire une demande en mariage qui tourne au pugilat. Un propriétaire terrien, ours mal léché, vient réclamer de l'argent à une veuve résolue à rester fidèle à la mémoire de son mari. Un conférencier chargé de développer devant une assemblée de province les méfaits du tabac raconte en fait les déboires de sa vie conjugale. Trois pièces en un acte portant un regard terriblement moqueur sur le mariage, l'amour et la solitude dans la Russie du siècle dernier. Le dossier propose des exercices pour se familiariser avec les ressorts du genre théâtral (les caractères bien tranchés des personnages, l'efficacité des intrigues) et s'initier à l'art de la mise en scène.
J'étais jeune, plein de feu, sincère, pas idiot ; j'avais l'amour, la haine et la foi, mais pas comme les autres, je travaillais et je rêvais pour douze, je combattais les moulins, je me tapais la tête contre les murs ; sans avoir pris la mesure de mes forces, sans réfléchir, sans rien connaître de la vie, j'ai voulu soulever une charge et je me suis cassé le dos. Comme si j'avais voulu me dépêcher de gaspiller toutes mes forces dans ma jeunesse, j'étais sans cesse enflammé, excité et je travaillais sans compter. Tu peux me dire comment j'aurais pu faire autrement ? Nous ne sommes pas nombreux et le travail, il y en a beaucoup, beaucoup ! Dieu seul sait à quel point il y en a ! Et voilà avec quelle cruauté la vie, contre laquelle je me suis battu, se venge ! Je me suis cassé l'échine ! Et en voici à trente ans, les conséquences déplorables : je suis déjà vieux et il est grand temps pour moi d'aller en chaussons.