Anton Tchékhov est un farceur, plus précisément un auteur de farces. Il s'agit ici de deux farces en un acte, datant de 1888 : Une demande en mariage et L'Ours. On y a ajouté en fin de volume un court récit de 1886, une attrape, une petite tromperie, intitulé Raté. Les petites pièces en un acte, ces petites farces comiques et tragi-comiques, sont des tableaux de moeurs où s'exprime pleinement la drôlerie, l'humour particulier de Tchékhov. »La drôlerie de Tchékhov est d'une saveur, d'une violence grotesque incomparables. Elle n'est pas toujours prisonnière de la démonstration satirique, mais sait être folle, échevelée, jongler pour le plaisir avec les mots, les masques, l'absurde et le fantasque.» L'intérêt de l'édition réside aussi dans la fabrication de l'ouvrage. Tout est ici un peu farceur : le papier nappe de la jaquette, la mise en page des dialogues, la couleur des papiers, le petit format. Nous reprenons le format des Demi-Cosaques, une collection dans laquelle ont été publiés les livres de Max Frisch, Frans Masereel, Marcel Proust (Mort de ma grand-mère) et prochainement les Sonnets de Shakespeare. P.-S. : Deux ans plus tard, dans un registre plus grave, Tchékhov partira pour Sakhaline, l'île des bagnards. Il traverse toute la Russie et la Sibérie. Nous avons publié deux volumes relatant ce périple et cette enquête : - L'Amour est une région bien intéressante - Sakhaline.
Tchékhov séjourne à Sakhaline trois mois. Pénétrant dans toutes les prisons et habitations, il parle à des forçats, à des relégués, il interroge, remplit des milliers de fiches, assiste à des peines corporelles. Il voit la faim,la prostitution et la débauche, et mesure ce qui sépare les conditions réelles de vie à Sakhaline des propos humanitaires tenus par les hauts fonctionnaires. L'île de Sakhaline est un livre d'écrivain, de voyageur, d'humaniste qui mêle réflexions, témoignages, compilations et observations.
Il s'avère que nous avons laissé pourrir dans les prisons des millions d'hommes, que nous les y avons laissé pourrir en vain, sans raison, de façon barbare; nous avons fait parcourir des dizaines de milliers de verstes dans le froid à des hommes enchaînés, nous les avons rendus syphilitiques, nous les avons corrompus, nous avons augmenté le nombre de criminels, et nous avons rejeté la faute sur les gardiens de prison au nez rouge. Aujourd'hui toute l'Europe cultivée sait quels sont les responsables: non pas les gardiens mais chacun de nous.