« Lorsque Denis Podalydès m'a proposé d'adapter L'Orage, d'Alexandre Ostrovski, ma première réaction, après la surprise - ne parlant, ne lisant, n'écrivant pas le russe -, a été d'accepter cette aventure avec joie, car Ostrovski fait partie de ces auteurs que j'avais lus avec un grand intérêt sans les avoir jamais vus joués. Denis Podalydès, qui connaît très bien mon écriture, était intéressé à l'idée de voir ma langue se frotter à celle d'Ostrovski. Et il est vrai que passer l'écriture et l'univers d'Ostrovski au tamis de ma propre pratique était un enjeu stimulant. (...) Sa modernité ne cantonne plus le théâtre à la noblesse, mais l'ouvre aux marchands et aux provinciaux. La langue y est forgée par les croyances, les proverbes, l'oralité. Ses phrases sont souvent des sentences qui tuent les élans des quelques coeurs ardents qui s'y frottent, et son théâtre ouvre un oeil critique et acerbe sur le pouvoir des institutions familiales, religieuses, mercantiles et politiques. » Laurent Mauvignier.
« On va et vient dans cette ville dans une forme d'errance sur place, les gens déambulent, s'arrêtent, repartent et ne vont nulle part. D'un côté la Volga, de l'autre les murs clos des demeures, les secrets enfermés, la violence sourde, l'alcool pour faire semblant d'être libre. Comédie et tragédie tout ensemble, à chaque instant, L'Orage est un classique ébréché, bizarre, très drôle et très dur. Une pièce d'hier pour aujourd'hui. » Denis Podalydès.
Le dramaturge russe Alexandre Ostrovski (1823-1886) a écrit près de cinquante pièces de théâtre. Sa pièce la plus célèbre est L'Orage. Elle met en scène l'histoire d'une une jeune femme mariée à un homme fade qui le trahit avec le neveu d'un marchand de passage. La jeune femme est prise entre passion et culpabilité, dans un monde cruel qui pousse inexorablement cette histoire banale vers le drame.
Cette adaptation par Laurent Mauvignier de L'Orage (1859) transpose la pièce du XIXe au XXIe siècle.
Nous ? C'est moi‚ c'est vous‚ c'est lui‚ lui‚ nous tous. Oui‚ oui... nous tous ici - les enfants de petits artisans‚ des enfants de gens pauvres... Nous‚ je le dis‚ nous avons eu très faim‚ nous nous sommes beaucoup agités du temps qu'on était jeunes... Nous voulons manger et nous reposer‚ arrivés à l'âge mûr - voilà notre psychologie. Elle ne vous plaît pas‚ Maria Lvovna‚ mais elle est parfaitement naturelle‚ et il ne peut pas y en avoir d'autre ! Avant tout‚ l'être humain‚ très honorable Maria Lvovna‚ et‚ après‚ toutes les autres bêtises... Et donc‚ fichez-nous la paix ! Ce n'est pas parce que vous allez nous injurier‚ et pousser les autres à nous injurier‚ ce n'est pas parce que vous allez nous traiter de lâches et de fainéants que l'un d'entre nous se jettera dans l'activité sociale... Non ! Personne !
Ostrovski a passé une grande partie de sa vie dans les tribunaux de commerce‚ au milieu des marchands‚ au coeur des violences du monde des affaires. Il a vu l'arrivée du capitalisme et la disparition du vieux monde enténébré des légendes. Ses personnages sont étranges ; à nos yeux‚ même‚ je l'ai déjà dit‚ exotiques. Mais c'est l'habitude qui nous fait oublier combien l'homme est un animal étrange. Il est bon qu'il conserve - ou retrouve - son étrangeté. C'est ainsi seulement que nous parvenons à nous étonner de nous-mêmes. Grâce au dépaysement. Ces sauvages déguisés en Européens‚ c'est nous parce que ce n'est pas nous.
Dans la période plutôt sombre qui est la nôtre‚ le regard d'Ostrovski me paraît particulièrement précieux.
Bernard Sobel
Mesdames et messieurs, je vous propose de boire à la santé d'une comédienne qui a ranimé le marécage stagnant et assoupi de notre vie égarée au fond de la province. Je ne connais pas la rhétorique, donc je vais parler simplement.
Nous, les gens de l'intelligentsia de province, nous n'avons que deux occupations : jouer aux cartes et bavarder au club. Alors, rendons hommage au talent qui nous a fait oublier nos passe-temps habituels. Nous dormons, messieurs, donc soyons reconnaissants envers les gens d'exception qui nous réveillent parfois et nous rappellent qu'il existe un monde idéal, qu'on a oublié.
Ludmilla, jeune fille prolongée, et son père, vieil avocat ruiné, louent deux modestes chambres chez Madame Chablova, cartomancienne, qui héberge aussi ses deux fils : l'aîné Nicolas, qui a mal tourné et risque la prison pour dettes, et le cadet Dormedonte, enfant sage qui est épris de la jeune fille. Mais celle-ci préfère Nicolas, lequel jette ses vues sur une riche veuve, Madame Lébiodkina. Cette femme, sans scrupules, demande à Nicolas d'opérer une escroquerie. Lequel il imagine exploiter l'amour que lui voue la pure Ludmilla. L'escroquerie faite, la veuve se montre si féroce que Nicolas se résout à l'abandonner et à mener une vie honnête, puisque Ludmilla est restée amoureuse et accepte de l'épouser. Tant pis pour Dormedonte qui n'aura pas su s'imposer face à son diable de frère.
" Un amour tardif " est une grande comédie inédite. Une oeuvre qui dépeint une certaine société russe de la fin du XIXème siècle.
Dans une ville qui domine la Volga et où vivent de riches bateliers, une veuve à court d'argent se comporte de façon complaisante et quelque peu ridicule avec les bourgeois de son entourage. Sa fille, Larissa, dont la beauté et les talents de chanteuse fascinent bien des hommes, n'a hélas pas de dot. Elle est promise à un jeune fonctionnaire. Le mariage se prépare, mais trois hommes reviennent dans leur ville, tous séduits par Larissa. Il y a là l'homme d'affaires Knourov, très fortuné, qui est prêt à entretenir la jeune fille sans l'épouser, le snob Vojévatov aux manières comiquement occidentales et Paratov qui rêve de reconquérir Larissa alors qu'il est déjà fiancé à une héritière millionnaire. Ballotée, déchirée se sentant trahie par l'un ou par l'autre, Larissa perdra dans ce tourbillon ses illusions et même la vie.
« La Sans-Dot » est une grande pièce méconnue. Une oeuvre qui dépeint une certaine société russe de la fin du XIXème siècle.